Fight (Neil)

La haine c’est la seule chose qu’elle ressent actuellement, Billie. La haine et du dégoût, mais simplement le dégoût d’elle-même. Simplement parce qu’elle avait fait des erreurs, parce qu’elle s’en voulait atrocement de ce qu’elle a pu faire. Mais la colère est trop forte, elle s’en voudra après. Quand elle retrouvera son appartement vide pour l’instant, elle a une destination en tête. Pour l’instant, elle sait où elle doit aller. Déferler son flot de haine. Laisser la violence prendre le dessus sur la raison. Le réveil avait été douloureux, encore plus quand elle a lu le nom du cabinet sur la carte, carte en morceau dans les mains alors qu’elle traverse la ville en direction de ce fameux cabinet. Les Kerwin qui rendent sa vie impossible. Même après des années, surtout après des années, mais elle se laissera jamais faire, Billie. Elle rendra toujours les coups à sa manière, elle écoute pas quand on essaye de l’arrête, le visage fermé, le visage qui ne montre rien tant la haine est forte à l’intérieur, tant la haine à tout retourner dans les tripes, dans l’âme. Le corps qui se sent sale. Elle pousse la porte pour la fermer derrière elle, l’homme pas encore présent dans ce qui semble être son bureau et la tornade qui regarde l’endroit. Qui le déteste. Tout ce qu’elle peut haïr dans la vie, dans cette vie et les pieds qui avancent pour retourner la pièce. Les doigts qui attrapent les dossiers pour les envoyer balader dans la pièce, les doigts qui prennent tout et n’importe quoi en attendant que la cible ne débarque. Avant que celui dont elle veut entourer le cou apparaisse dans la pièce pour prendre la colère en plein visage. Alors elle continue, Billie. Elle renverse tout. Les meubles. Quelqu’un qui frappe contre la porte, elle entend pas les cris, elle entend pas qu’on lui demande d’arrêter. La seule chose qu’elle voit, c’est la haine contre cette famille. La haine contre ces avocats. La haine d’avoir été assez bête pour s’faire avoir d’la sorte. Alors elle se défoule. Encore. La respiration accélérée, pas prête à arrêter et elle prend un objet pour l’envoyer contre la porte. Eclatant la vitre opaque où pouvait être écrit son prénom. Le prénom de celui qui la rend dans cet état. Le prénom de l’homme en face d’elle, de l’homme qui croise son regard. Et elle le baisse pas, Billie. Jamais.

(c) mars.

Il est clairement pas dans son assiette, Neil. Fait n'importe quoi, cherche les emmerdes. Provoque, encore et toujours. Cherche le venin dans les paroles des autres, le côté sombre derrière les airs angéliques, les non dits derrière les sourires hypocrites. Sa dernière victime en date ? Billie McRae. Un coup d'un soir, rien que pour s'amuser. Une victime de son grand frère. Une femme dont l'amant avait été tué, dont le meurtrier s'en était sorti grâce à la défense de Liam. Et Neil s'était amusé de la situation, avait profité de son charme pour découvrir ses draps. Sans jamais dire son nom de famille, jusqu'au lendemain. Jusqu'à la carte de visite laissée sur son lit tandis que lui passait la porte, sourire fier ornant ses lèvres. Sûrement que c'était pas le comportement d'un gentleman, mais sûrement aussi que sa vie partait en lambeaux, qu'il avait voulu oublier sa misère en en provoquant une autre. Cruel. Neil le sait bien. Mais la nature humaine est ainsi, inutile de cacher ses vices. Et son sourire arrogant parle de lui même lorsqu'il passe la porte et te voit au milieu du chaos que t'as engendré. Les meubles renversés, les feuilles volantes, digne d'une tragédie shakespearienne. Et il y a ce silence qui s'installe, durant lequel il te jauge, avant de saisir la tasse posée sur la table à côté. Splash. Le liquide se renverse par terre, la tasse se brise en mille morceaux. T'avais oublié ça. L'insolence peinte sur ses traits d'ordinaire si durs. Tu l'amuses, Billie, ta haine le distrait, atténue sa peine. Car, là tout de suite, il ne voit que la tienne. La dernière nuit ne t'a pas plu ? Et les sourcils se haussent, simulant la curiosité. Mais au fond, il n'en a rien à faire. Ce n'est qu'une énième provocation. Pour te faire sortir de tes gonds. Car, s'il a souillé ton corps la dernière fois, aujourd'hui il vise ton âme.

(c) mars.