drive forever (irwen)

Pour une montre qui vaut des milliers.
Pour un cadran orné de diamants resplendissant sous les éclats du soleil.
Seven, martyr qui se meure dans la géhenne de douleur, les os brisés sous la poigne affutée d’un bourreau coléreux. Opales azurines accrochées à la porte de sortie alors qu’on la balance sur le tapis. Elle aurait dû se douter que son plan pitoyable valait trop gros pour ses poches trouées. Elle se traîne avec lenteur jusqu’à la poignée. Lèvre sciée en deux et pourtant toujours le sourire mutin qui ne la quitte pas même après s’être fait tabasser. Voleuse qu’on la traite, infâme salope ingrate. L’index passe avec vitesse et laisse y découvrir une couleur vermeil qu’elle déteste. Ca la répugne avec douceur, encore une soirée à laver des vêtements tachés de ses conneries. Valenven aurait pu en rester à des billets jetés au sol. Si seulement elle n’était pas avide de l’impossible. Cachée dans sa veste, elle embarque l’objet de ses désirs, pickpocket misérable s’évanouissant dans la rue en boitant. Elle sent l’argent qui fond entre ses doigts, planquée dans sa poche brûle la montre aux aiguilles valant des milliers. Assez pour payer le mois prochain son foutu hôtel dans lequel elle séjourne. La peur au ventre et les frissons accrochés à sa peau, Seven se glisse comme les ombres pour qu’on l’oublie, à réapparaître à la lueur d’un taxi arrêté. La main se pose sur la porte et elle s’écroule sur la banquette. « Démarre. » d’une froideur authentique et indéniable, les doigts faisant signe d’avancer. Elle ravale ses craintes et se tait pendant quelques secondes, son coeur palpite et ça l’échauffe. Elle crève d’angoisse qu’on la poursuive. Son visage se défait sous la douleur, le dos plaqué sur la banquette arrière et les genoux repliés. « Dépêche, sauf si t’as envie de crever. Et personnellement, j’ai pas envie de crever. »

Ça le démange. Tressaillir jusque’à l’échine, l’épiderme marqué par les frissons. Ça le gruge, il y pense depuis qu’il attend sur ce coin de rue. Toujours le même. Assez passant pour cumuler les clients. Le coin convoité, béni de cette industrie roulant. À jouer du coude avec les autres chauffeurs. Se battre pour cette fortune de rien du tout. Des poussières volantes, rocailles au fond des poches pour survivre jusqu’au lendemain. Pas stupide le gamin, il sait quand c’est le moment de s’ancrer sous le lampadaire mal éclairé. Voleur du butin du jour. Sans remord pour les autres. Mais c’est calme aujourd’hui. Alors les pensées défilent au fond de son crâne, à s’imaginer le goût âcre de la liqueur ambrée sur ses papilles, celle qui l’attend sagement dans l'coffre. Promesse que de ne pas rouler en ivresse. Les âmes d’Exeter qu’il épargne, la sienne seulement qu’il veut écorcher. C’est tentant. C’est poignant. Addiction sublime, l’envie de s’évader. Obnubilé par l’envie de succomber. Les doigts déjà sur les clefs pour sortir de l’habitacle. La portière s’ouvre. Pas la sienne. Celle de derrière. Chevelure platine qui étincelle comme les astres. Aucune autre comme la sienne. Irwyn devenu le chauffeur attitré, presque une habituée. Première fois qu’il la voit dans cet état. Sans s’en soucier, vie de la poupée qui l’intéresse pas. Il démarre, sans poser de question. Les paroles qu’il croit en exagération. Il fait vrombir la machine, à avancer sans finalité précise. « D’accord. » Aussi glacial qu’elle, les décibels qui dégringolent dans les profondeurs. Les premiers mots du jour qui lui raclent la gorge. Il roule doucement, borné à sa détresse, pas l’envie de faire demi-tour parce qu’il aura pris la mauvaise direction. Il lève les opales véronèse au rétroviseur, cherche brièvement son regard à elle. « Où va-t-on? J’ai besoin d’une destination pour ne pas crever. » Le sarcasme pique, la langue se délie avec violence.  

Le verbe violent, le verbe tranchant. La ligne de ses mots dégringolent sur un silence étouffant. Maitresse d’un jeu qu’elle ne maitrise plus, les cartes brûlantes s’enflamment sur la paume de ses mains. Dame de pique au trèfle fané, sa chance s’évanouit derrières les carreaux brumeux du taxi. Il est le saint sauveur à l’insigne démolie, libérateur de la furie ambrée dopée à la rage et la perdition. Elle le traite avec froideur, avec fadeur  et détachement.
Ou est-ce qu’on va ? Loin des méchants et des rats.  
Rouler sans itinéraire jusqu’à la lisière de la réalité puis s’dissoudre dans les fragments de vie qu’il nous reste. Elle grimace à chaque tournant, mais le rictus se dessine sur les lippes ensanglantées. Le mépris teinte ses répliques bien huilées, elle n’mérite qu’un aller simple pour le purgatoire. Jugée vile, jugée coupable. Blessures méritées pour une charogne tailladée. « J’sais pas, roule. C’est toi qui arpentes les rues de cette ville pourrie. » elle demeure exécrable, Seven. Elle ne laisse l’occasion qu’on puisse lui ôter ce masque acariâtre qu’elle cultive pour se protéger. Féroce nuisible, perfide misérable allongée sur une banquette. Elle se laisse bercer par le bruit des pneus sur le bitume, oubliées les maux qui la tourmentent, ce soir elle tire le jackpot au prix de cotes et de lèvres brisées. Un rire étouffé se laisse ouïr alors qu’elle sort la montre. Ornée de diamants, elle baverait presque à l’idée de sentir l’odeur des billets qu’elle va rafler. Stupide cupide, Seven se bousillerait seulement pour quelques pièces de monnaie. « Je paierai tout le trajet, je suis fracassée mais j’ai malgré tout bien travaillé. » Les doigts se resserrent sur sa prise de la soirée, sa vie pendue à des bouts de métal et aux aiguilles tournantes. Seule. Si seule qu’elle n’a plus que l’adrénaline et la fierté pour l’accompagner. Une âme errante s’accaparant ce qui ne lui appartient pas, fuit les ténèbres qu’elle a elle-même crée.

il n’est rien. que ce chauffeur des condamnés de cette ville maudite. qu’un cercle vicieux. chaque jour les mêmes misères qui l’enfoncent dans son siège. devenu une partie de lui-même, incapable d’en sortir indemne. il n’est rien, que ce chien au pied de ses maîtres. n’est plus humain. la pute, le pantin des marionnettiste de la banquette arrière. se mérite des ordres, des mots lancés à la volée, sans douceur, sans politesse. il ne s’attend à rien. il connait sa place. à ramper, s’écorcher contre le bitume des rues, n’espère pas les hauteurs. ne croit plus au statut qu’il convoitait autrefois. et elle lui rappelle ce qu’il est. elle souligne avec finesse son manque d’importance. il n’est rien. n’a aucune valeur. pourrait crever demain et personne pour réclamer le corps. alors il encaisse, il obéit à ses moindres désirs. il s’éloigne du point de départ, se concentre sur la route vers le nulle part. le gamin improvise, il regarde la poupée à travers le rétroviseur pour détailler les horreurs peintes sur la porcelaine de sa peau. attiré par ce qui étincelle entre ses doigts fins. « et tu comptes le payer avec ta camelote? je prends que l’argent. et je fais encore moins la charité. » il prend le premier tournant qu’il voit, il la conduit où les curieux ne pourraient les voir. il s’arrête. le temps qu’il ne voudrait pas perdre pour des risques qu’il ne saurait assumé. terminer cette journée de malheur, le baume liquoreux qu’il s’impatiente de retrouver. à se tourner vers elle, la première fois qu’il lui fait face, malgré toutes les courses qu’il lui a déjà fait. « okay, j’ai pas la patience pour une course à travers la ville, à tourner en rond sans sécurité que tu vas vraiment me payer. tu peux m’prendre pour un con, j’en ai rien à foutre. je sais pas dans quoi tu trempes, mais j’en fais pas partie. » il reprend sa place, se cale dans le siège, le soupir qui glisse d’entre les lèvres. s’allume une meurtrière à fixer la ruelle dans laquelle il s’était immobilisé. « une adresse ou tu sors. »  

Être acerbe. Disgracieuse muse inamicale et hargneuse qui cogne dans les autres pour ne plus se cogner elle-même. Elle feint l’indifférence dans ses phrases dictatoriales. Elle n’pense qu’à elle Seven. Elle se persuade de demeurer un gourou autolâtre capable de faire sienne tout ce qu’elle ose toucher. Elle n’est rien d’autre qu’un mensonge fumeux et vulgaire derrière un physique de poupée de cire au visage séraphique. Valenven est un mannequin désarticulé à cause de quelques billets, piquée par la fierté de s’avouer défaite. Et personne n’ose contredire la gueule d’ange fallacieuse qui se joue avec arrogance des autres. Mal habituée à ce qu’on s’accommode de ses répliques tyranniques éclipsant sa faiblesse physique. La gosse tellement meurtrie d’antan qu’elle en a oublié comment bien se comporter. Elle pique à vif la vipère, s’enroule autour de sa proie pour l’étouffer avec grâce et sévérité. « Primo, ma camelote elle rachète ton taxi entier et sûrement la moitié d’un deuxième alors t’es prié de la fermer. T’as tellement l’habitude de voir que de la merde que t’es pas capable de reconnaître une montre qui vaut des milliers. » Seven se relève pour coller son dos au siège, maintenant assise elle fixe dans le rétroviseur les pupilles dilatées de rancoeur de son compagnon nocturne. « Deuzio j’arnaque que les gros poissons, les chauffeurs de taxi comme toi ça me fatigue plus qu’autre chose. Je garde des forces pour ce qui me rapporte. C’est bon, tu peux redémarrer maintenant ? T’es pas payé à rien foutre quand même. »
Peut-être qu’il la déteste,
Elle et ses opales célestes.
Peut-être qu’elle n’a cherché qu’à écorcher vif le second myocarde pour qu’il taise ses questions trop intimistes. Le silence résonne si fort qu’elle en devient sourde, est-ce que c’est le regret qu’elle entend frapper dans les dédales de son inconscience ? Les mots peinent à sortir, l’amertume sur le bout de la langue. « T’auras qu’à m’écraser si je paye pas, toute façon t’as bien vu que je pouvais pas aller bien loin. » Les excuses muettes, cynisme écrasant sur un visage figé. Le temps s’écoule dans le sablier doré, buildings crasseux pour dénoter « Tu peux t’arrêter à une pharmacie de nuit encore ouverte s’il te plaît ? » polie pour la première fois, par repentance ou manipulation.
 

il ose, le gosse. il s’impose alors qu’il en a pas les droits. le client est roi. à malmener les conventions, s’attend à une plainte au patron. des courses qu’il perdra par vengeance perfide pour perte de revenus. il connait la chanson, l’gamin. en connaît les rythmes et le refrain. ces allures de patriarcat qu’il avait fuit qu’il retrouve dans cette hiérarchie des statuts. l’argumentaire qui n’a pas sa place dans cette course des pouvoirs. mais il y a cette défiance, chez elle, qui anime les audaces. la répartie aiguisée, la langue qui claque contre les lèvres pour la faire taire. il n’est pas ce qu’elle sous-entend. il voyait la beauté, autrefois. la maniait de ses doigts. à s’amuser des couleurs. des vérités qui prenaient vie, l’art qu’il faisait danser sur ses toiles. à se faire résumer par le taxi. ces quatre murs mécaniques qui s’ancre dans la laideur. à l’odeur de nicotine qui pique le nez. ça ne l’arrête pas. il laisse l’habitacle s’enfumer. il prend son temps, irwyn. destiné à l’emmerder. jouer avec ses nerfs déjà malmenés par la violence d’autrui. il expire à nouveau. l’arrogance plane sur ses lèvres. « j’ai eu droit à un s’il-vous-plait ou je rêve ? justement, pour quelqu’un qui a autant besoin de ce taxi, tu fais un peu trop la maligne. tu peux t’en trouver un autre, c’pas c’qui manque ici. enfin… on est pas dans un endroit très passant mais 2-3 kilomètres à pied et tu devrais trouver. » termine la meurtrière, le mégot qu’il lance par la fenêtre. il laisse planer le doute de ses intentions. sans bouger, sans la regarder de face ou par le rétroviseur. peut-être qu’il veut ressentir son désespoir. entendre les supplications et n’être que sa dernière option. voir sa confiance s’étioler, ne devenir que poussière incrustée dans le tapis du taxi. ça lui fait du bien de l’écorcher à vif. plaisir malsain qu’il ne cache pas. le rictus se laisse entrevoir sous la lueur des astres. il démarre la machine. « j’espère que le pourboire sera conséquent. » s’enfuit dans ces rues presque vides. le danger qu’ils ont semé. le silence domine. il se permet d’allumer la radio. musique aux tonalités nostalgiques qui emplie l'espace. le minuteur qui s’élève au fil des kilomètres. s’arrête uniquement quand il s’immobilise devant le bâtiment aussi décrépi que leurs âmes. « est-ce que je dois vous attendre, mademoiselle? aurez-vous besoin d’un support pour marcher? » attention empoissonnée, rien qu’il ne fait par bonté.   

S’il te plait. C’est nouveau, elle ne l’dit jamais. Elle ordonne comme inquisitrice et s’abreuve qu’on s’execute. S’il te plaît. Elle exècre, ça la fout en l’air d’être vulnérable et elle dépérit à chaque fois qu’elle articule des palabres trop bienséantes. De ses souvenirs, elle se remémore avec répugnance les courbettes de son enfance. Seven, diamant poli par les poings et taillée par les gifles. Seven, pour qui on s’amourache la veille et qu’on réprouve le lendemain. Ce que c’est bon d’être mal-aimée, elle trempe dans l’égoïsme parce que personne ne l’a jamais considérée. Et personne ne peste contre la peste. Personne sauf lui. Oeillades dédaigneuses dans une lucarne de rétroviseur. Lui, fervent défenseur d’un respect qu’elle n’a pas. Il lime ses répliques pour mieux l’égratigner, le bon joueur du taxi d’à côté. Il l’énerve. Incommensurablement. D’une façon authentique qu’elle maudit silencieusement. « C’est toi qui fais le malin. T’as la langue bien pendue alors que je t’ai rien demandé. Tsss. » Elle souffle, frissons collés sur l’épiderme pendant que le compteur continue de tourner. « Tu peux m’attendre là. » Poupée brinquebalante, la douleur à chaque pas comme des aiguilles dans la peau. T’es démantibulée par la douleur et l’affliction. T’as le corps qui hurle à la mort Seven, lui au bord du précipice de tes limites. La cascade platine marche jusqu’à rentrer dans la pharmacie, la lueur de son regard est éteinte par les os qui grincent. Et dans sa tête tout s’emmêle, ses démons la possèdent. Seven a les crocs, son os sera sa vengeance. Si seulement il ne l’avait pas emmerdé. Après ses achats elle ressort doucement, à pas feutrés elle se rapproche du taxi. La danoise se dirige jusqu’à la fenêtre et se penche avec lenteur. « Finalement… j’ai plus besoin de toi, tu peux t’en aller. Et je te paierai rien, va te faire voir toi et ton pourboire que tu peux te mettre au cul. » Le sourire narquois s’agrandit, le majeur levé avant de s’écarter pour mieux marcher. Elle s’aventure sur la route sans fin, celle habitée par les buildings déprimants d’une ville déprimée. Il n’y a rien qu’elle regrette, ou rien qu’elle déplore.
Et maintenant, qu’est-ce que tu vas faire Seven ?

il la voit depuis des mois. une parmi les autres. les trajets de nuit qu’elle accumule sur sa banquette arrière. le silence dominant, l’adresse aux allures d’ordre. à ne jamais soulever le manque de politesse, cette froideur qu’elle a pour parler aux êtres. à ne jamais répliquer contre les pièces jetées sans dignité, à accepter le rôle du muet, de l’invisible oublié. ces quelques fois qu’il s’était permis de l’observer dans le reflet des miroirs, ces soirs qu’elle semblait déconnectée des mortels. cette nuit aux couleurs de l’inédit. les échanges qui ne sont pas dans les habitudes. il prend vie, irwyn. il existe maintenant pour elle. peut-être de la pire des manières. elle disparait au coin de cette rue comme elle est apparue. aux lueurs burlesques des pièces de mauvais quartiers. et il craque. pour tous ces clients qui se sont fait la malle, pour toutes ces nuits aux heures interminables. cette solitude qu’il cumule sur le siège passager, les kilomètres de désespoir qu’il calcule au compteur. il flanche pour cette vie de damné qu’il a lu-même créé. c’est elle qui doit payer. la cible facile qu’il vise au hasard, le coup de trop. à la rattraper, le poignet qu’il empoigne pour la faire valser. « t’as cru que tu pouvais t’enfuir comme ça, sans payer ? » lui faire face, son corps qu’il pousse vers le mur. à réaliser de retard le geste qu’il vient de poser. c’est lui-même qu’il vient de tirer. à s’abattre de sang-froid. l’gamin qui revient au fond des opales. il recule d’un pas, les mains levées vers le ciel d’encre pour ne plus la toucher. irwyn ne veut pas blesser davantage, ne demande que son dû pour cette course qui lui aura fait perdre une heure. n’est pas assez bas pour lui faire mal. y’a encore cette conscience qui lui malmène le crâne, qui crie plus fort que sa détresse. cette part d’humanité qu’il n’a pas tué avec le reste. « tu vaux pas la peine que je perde le peu d’respect que j’ai pour moi-même. » siffle. la mâchoire crispée par sa colère latente, celle toujours logée au ventre, lui prend aux tripes dès que les regrets montent. les pupilles dilatées par le néant, pendues aux siennes. les bras qu’il baisse, ballants le long de son corps tremblant. « je… je suis désolé. » pause qui se veut nécessaire. souffle ce trop plein d’air qui l’étouffe. « on fait un marché toi et moi. je te ramène chez toi parce que t’es clairement pas en état de rentrer à pied. tu ne paies rien. et tu ne remets plus jamais le cul dans mon taxi. »  

Pour la première fois son palpitant s’affole avec lui. Pour la première fois le pantin démonté grince d’un sentiment qu’elle redécouvre avec violence : la peur. La vraie, celle qui tord le coeur et l’âme dans un tourbillon d’émotion. Celle qui accroche les frissons au derme avec une intensité sans pareille. La peur. La même qu’elle n’avait plus depuis qu’elle avait décidé de s’émanciper de ces souvenirs âcres teintés de honte. Les mémoires orageuses de ces soirées étoilées qui laquent le ciel médiocre quand sa peau devenait couleur ecchymose. Pour la première fois le masque se brise quelques secondes et on y lit avec aisance son visage estomaqué par le geste impulsif d’un outsider blessé. Le peu de respect que j’ai pour moi-même qu'il bredouille. Les palabres s’infiltrent et tapissent les murs de son cerveau avant de les assimiler silencieusement. Le sentiment résonne, deux âmes échouées dans les ruelles crasseuses d’exeter. Est-ce qu’on a besoin de vraiment s’aimer pour se respecter ? Elle peine à réfléchir alors que ses pupilles s’accrochent aux siennes. Pourquoi tu recules, t’aimerais pas me cogner toi aussi ? Seven reste accrochée au mur gelée, elle n’ose faire un pas. Se barrer ou crever. Là est le dilemme d’une escroc qui ne peut plus tricher. Elle n’a plus d’as dans ses manches, plus de cartes dans son jeu. Tout est brûlé dans son courroux. « J’en veux pas de tes excuses, t’en avais envie non ? Et si c’était pas une question de respect tu m’aurais déjà sûrement frappé jusqu’à ce que j’en crève. » Seven serre le poing, elle guerroie pour ne pas flancher, de ses jambes à ses doigts, son corps entier est en coton prêt à se faire incendier. Elle se tabasse psychologiquement à se persuader qu’il est temps qu’elle s’en aille, la rage au coin des lèvres. « Pourquoi tu fais ça ? Par gentillesse ? Ou est-ce que tu comptes m’emmener quelque part et me foutre au fond d’un lac ? » Provocante, elle touche le fer quand vient la foudre et électrifie ses mots pour tenter de gagner une guerre de rien. Et si elle avait tenté de hausser le ton, son regard s’éteint et ses mots s’échouent sur le trottoir. « Je vaux pas le peu de respect que t’as pour toi-même, c’est vrai. Je vaux même pas grand chose. » Elle n’a pas bougé. Plantée à son piquet terrifiée de faire un geste. Si la peur enraye son âme, son aplomb se manifeste irrégulièrement pour lui laisser croire qu’elle en connait ses désirs. « Dégage. J’ai toujours fonctionné seule. »
Reste avec moi.
Je veux pas être abandonnée.

aveuglé par cette noirceur dense. les opales ne sont plus claires, ne sont plus limpides d’une innocence fine. ont trop vu, trop vécu. sont plongées dans ces tourments d’encre et s’emparent de lui. le guident, être de chiffon qui se fait manipuler par cette colère acérée. n’est plus que le pantin de ses pulsions, la violence coulant dans les veines. elle n’est que les dommages collatéraux de sa dépravation de mauvaises décisions. n’est que la victime de cette lutte contre lui-même. « j’ai envie de dire, y’a personne qui vaut quelque chose ici. te crois pas unique. » le reflet du miroir. sombres pensées qu’il se répète. en écho à ses rêves bafoués. t’es pas unique, t’es rien, irwyn. il n’est que le gamin perdu qui a voulu frappé. est devenu ce qu’il a toujours détesté. il reste à distance, il ne l’approche plus. il veut désamorcer la bombe qu’il vient de lancer. retirer cet éclat de peur qu’il a créé. « et comment vas-tu marcher dans ton état? tu fonctionnes seule, mais j’ai pu te rattraper en deux pas. je suis allé trop loin et je me suis excusé. j’ai pas l’intention de te frapper, encore moins de te foutre au fond d’un lac. c’est peut-être par gentillesse ou par pitié. ou parce que j’ai réellement pas envie de te revoir dans mon taxi. tu choisiras la raison qui t’fera plaisir. » les mains s’engouffrent, disparaissent dans les poches. il a le regard vers l’ailleurs. l’envie sublime de mettre fin à ce périple aux allures d’éternité. souhaiterait retrouver ce coin de rue sous le lampadaire. la belle qui a tout chamboulé. son monde terne qu’elle a secoué. vipère d'eden qui réveille les abîmes de son être. le poison de son venin qui l’intoxique. « mon marché tient toujours. je ne suis pas encore parti, t’as encore le temps de changer d’idée. » et pourtant. il insiste sans qu'il ne le s'explique. lui brandit le contrat non-écrit pour qu’elle le signe. pour s’assurer qu'il ne sera plus dans son orbite nocif. il se fait croire que c'est elle le problème. mais c'est lui.  les derniers mots sous le souffle de la provocation. s’estompe par les pas qu’il fait. à s’éloigner d’elle. qu’un dernier regard vers la poupée. les véronèses miroitant sous l’éclat des astres. « enfin… pas trop non plus. »   

La fièvre afteuse, imbibée dans les noirceurs de ta peur qui te colle à la peau comme une pluie battante. A chaque goutte de terreur s’échappe une respiration silencieuse que tu t’efforces de contrôler. Tu t’infliges muettement des châtiments que tu crois mériter, attirée par le chaos en face de toi dont t’arrives pas à te décrocher. Ses atomes te submergent, l’enfant terrible en veut toujours plus. Elle demande, glaciale, qu’on continue de se préoccuper de son être. Elle qui n’est que bipède invisible, elle qui s’imagine arnaquer une société qui l’arnaque que trop bien. Que trop mieux. A rêver des jours heureux et les voir s’évaporer sur la pulpe de tes doigts maintenant tachés de poussière par le mur que tu tiens comme ta vie. Tu fixes le faux bourreau aux remords éreintants, là se loge l’ange déchu entre colère et soulagement. T’aimerais qu’il te foute en l’air et qu’il prenne soin de toi, l’inconnu d’en face dans son taxi de contrebande. « Tu m’proposes ça par égoïsme, t’en dormirais pas la nuit de savoir que t’as laissé une fille dehors en pleine nuit. Tu te demanderais tous les soirs si je suis bien rentrée ou si un psychopathe avait décidé d’me faire devenir son casse-croûte de minuit. » Et tu te remues enfin, à le poursuivre comme son ombre féroce dotée d’une inhumanité indécente. Tu te fais faible imitation de ses pas jusqu’au taxi en t’asseyant sur la banquette. Et t’en veux une de meurtrière, pour griller la pourriture que t’es dans ta croisade déjà perdue contre le reste du monde. Tes doigts glissent sur son paquet au siège avant, ce soir ce qui lui appartient t’appartient. « Tu me permets pas mais je me sers quand même. » Seven t’es méprisable, l’allégorie écoeurante des tréfonds d’Exeter à allumer une clope qui n’est pas tienne. Pyromane désabusée, le pantin foutrait tout en feu seulement pour l’éteindre et demander reconnaissance. T‘es infecte avec quiconque oserait te vouloir du bien, rudesse désastreuse de l’âme insolente. Le dos se colle à nouveau contre la banquette alors que t’ouvres la fenêtre pour souffler la fumée. Grisaille dans la nuit étouffée par la pollution. Tableau clair-obscur délavé lavé à l’encre des péchés. Le peintre maudit est à l’avant et regrette déjà sûrement son oeuvre. « Je te le redemande, pourquoi tu fais ça, mmh ? »

sorry femme j'ai switché au tu