kyra et melchiade ▬ chaos makes the muse.

Ses doigts qui grimpent le long de son verre à moitié vide. Whiskey neat, qu’elle avait demandé, à cette heure étrange de la journée. Seule sur cette terrasse, à l’abri des regards des passants de la rue, le froid qui la faisait parfois frissonner. Les yeux posés dans le reflet de ce liquide qui l’apaisait, qu’elle laissait tranquillement couler en elle.  L’ennui visible dans ses yeux. Jusqu’à ce qu’elle sente ce regard lourd pesé sur elle. Ce regard qui n’était pas nouveau, celui qu’elle avait déjà remarqué plusieurs fois. Ce même homme sur lequel elle avait posé ses yeux quand lui ne la regardait pas. Qu’il ne devine pas qu’elle le voyait. Toujours sur ses gardes. Méfiante, prête à bondir à n’importe quel instant. Un sourire aux lèvres en se rendant compte qu’il n’était pas de ceux-là. Et plausiblement pas de ceux sur lequel elle voudrait déverser sa colère. Non, le sentiment était tout autre, parce qu’elle s’ennuyait, Kyra. Et que ses pensées devaient absolument rester loin de ses noirceurs. Alors l’impulsivité se fait présente, prise de pulsions. Un dernier coup d’œil par la baie vitrée quand il baisse le regard, et elle se retire de la table, n’oubliant pas son compagnon alcoolisé, qu’elle finira de consommer. Et elle rentre dans cette atmosphère plus chaude, s’approchant innocemment de celui qui n’avait pas désiré se faire connaître. Ses pas qui la mènent à lui, passant derrière ce inconnu envoûtant, le contournant, telle une lionne chassant sa proie. La proie devenait chasseuse. Distraction dans cet instant d’ennui. Et dans un geste rapide, elle s’empare du crayon qu’il tenait à la main, lui dérobant toute autre distraction pour n’en rester que l’unique. Elle pose son verre sur le bois, et s’assoit face à lui. Seul lui aussi. Seul avec ses écrits. Ses iris qui se plongent dans ceux qui lui font face. Ce crayon volé qu’elle fait tournoyer dans ses doigts, puis qu’elle place dans ses cheveux, hors de son atteinte, sauf s’il décide de s’approcher. Son coude qui se pose sur la table et la tête appuyée sur sa main, visage penché pour mieux le contempler. C’est la curiosité qui prime et l’appétence qui grogne. Le mystère qu’elle avait laissé plané durant toutes ces fois où elle l’avait aperçu mais n’avait rien manifesté. Préférant désormais le distraire plutôt que de le voir épier ses moindres faits et gestes. — ¿ Qué está haciendo ? (Que faites-vous?) La langue natale qui prend volontairement le pas, pour le dérouter une nouvelle fois, le vouvoiement lui aussi intentionnel, et le visage qui montre la direction des feuilles qu’il garde près de lui, sujets de ses paroles, de son questionnement qu'il pourra deviner.