pointless resistance { Killian }

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]

Sifflement d'approbation. Un relent de moquerie que Keilantra ne saisi pas. Elle se sent magnifique dans cette tenue. L'avis de son frère importe peu. Non, elle ne va pas avoir froid, avec le dos découvert. Oui, ses pieds et ses chevilles vont survivre à une soirée avec de tels talons. Même bourrée. Peuvent-ils y aller maintenant ? La seule raison pour laquelle elle accepte ce petit jeu, c'est qu'il est le seul à connaître l'adresse. Il lève ses sourcils en réponse à ce grognement, mais cesse son interrogatoire. Lui ne porte qu'un t-shirt trop grand au-dessus d'un jean noir. Déguisement du mec normal. Effacement de ses origines bourgeoises. Il joue avec ses clefs de voiture et l'invite à sortir la première. Elle s'exécute, enfilant son manteau au-dessus de sa robe hors de prix afin de braver la météo anglaise. Un détail qui ne lui avait en rien manqué.

Keilantra aurait dû deviner à la gueule du quartier ou à l'odeur qui régnait dans le couloir menant à l'appartement que ce n'était pas ce genre de soirée. Son frère aime l'exotisme, bien plus qu'elle. Pourtant, c'est la cadette la terroriste qui se bat pour les classes opprimées. Classes dont elle n'a une définition qu'en négatif. Ce qu'ils ne font pas. Ce qu'ils ne mangent pas. Les vêtements qu'ils n'ont pas les moyens ni l'envie de s'acheter. Elle porte une tenue concernée par cette dernière affirmation. Le regard pétillant et le sourire narquois de son aîné sont soudainement logiques. Exeter n'est pas Paris. Et Paris n'est pas Exeter. Il lui arrive encore d'oublier. Sa confiance en elle est titillée. Ce n'est pas une soirée où les gens vont s'extasier devant sa tenue. C'est celle où les gens vont lui coller l'étiquette de bourgeoise. Dans ce contexte, l'argent n'a rien de classe. Elle arrive avec une cible dans le dos.

Son frère, encore lui, la débarrasse de son manteau et l'abandonne sur une pile de vêtements. Keilantra soulève un sourcil, se demandant s'il sera toujours là quand viendra l'heure de partir. Une seconde plus tard, la seule silhouette familière de la soirée d'avance pour disparaître au milieu de la foule. Comme un poisson dans l'eau. Elle, reste. Évalue. Les yeux de chat qui scannent la pièce à la recherche d'un élément digne d'intérêt. Ne serait-ce que la réserve d'alcool. La musique forte engourdit ses sens. Sauf l'odorat. Malheureux survivant qui aurait préféré passer son tour. Se mettre dans l'ambiance devient urgent. Elle veut faire semblant d'être comme eux le temps d'une soirée. Elle l'a déjà fait. Ce n'est qu'un rôle. Elle doit juste se souvenir des codes qui s'appliquent ici. La loi locale.

Terre inconnue qu'elle appréhende d'arpenter seule, et pourtant, il le faut bien. Son regard s'arrête sur une porte menant à la cuisine. Point de départ idéal. Des rires s'en élèvent, donnent de l'humanité à cette masse grouillante. Tête haute, elle s'approche. Ses talons auraient pu claquer sur le parquet. C'était sans compter sur les boissons renversées qui rendait le tout collant. Un piège à mouche. Dans cette nouvelle pièce, des visages se tournent. Des politesses sont échangées. Quelques rapides questions. Un verre tendu et vite descendu. Un autre. Pour rattraper le retard. Ils acquiescent et le remplissent à nouveau. Encore. On se présente puis on retourne à la discussion initiale. Keilantra rôde, cherchant sa place, abandonne. Elle ne veut pas faire partie de l'anti-soirée. Elle ne veut pas devoir s'imposer. Elle veut se faire inviter, désirer, susciter jalousie et curiosité.

Après les néons blancs de la cuisine, ses yeux galèrent à distinguer quoi que ce soit dans le salon. Juste les mouvements. Des ondes de choc qui naissent et meurent sur le rythme de la musique. Vu sous cet angle, il n'y a pas tant de monde. La pièce est exiguë. L'espace entre les corps est réduit. Le froid de l'extérieur lui-même ne saurit s'y faufiler. Prise de conscience narcissique ; Keilantra Hill n'est pas de celles qui restent proscrites dans un coin de la pièce. Elle termine son verre et l'abandonne sur le premier meuble venu, à la merci d'un soûlard maladroit. La brume qui tombe sur ses pensées. Le rythme qui rentre dans son corps. Ses barrières qui s'abaissent. Elle ferme les yeux pour profiter des notes et laisse son corps se réveiller. La confiance gonflée par la boisson, elle se moque de danser seule. Elle provoque tout de même. Pour le plaisir de se sentir désirer. Mouvements lascifs. Des regards échangés.