sofia, yüna, ofelia ▬ cri des loups.

Walking towards me,
Let me guess you want an apology, probably
Please don't come after me
I just wanna be alone right now.

La nuit terminée, elle avait juste pris une douche avant de se glisser dans un jean, un pull et de s'envelopper dans cette veste familière. Démaquillée... elle en avait tout de même remis un peu, tant la fatigue se lisant dans ses yeux rougis. Ce soir, elle ne s'est pas attardée. Ce soir, elle a juste voulu oublier les passages les plus désagréables. Elle sait bien, pourtant, que les choses auraient pu plus mal se passer, si elle n'avait pas eu la protection du Black Bird. Elle a bien conscience que dans sa déchéance, elle gagne assez d'argent pour que ceux à qui elle en doit ne l'ennuient pas tant que ça, ne s'en prennent pas directement à elle. Sauf que cela ne lui laisse pas tant d'argent que ça pour le reste. Mais ce n'est pas bien grave. Du haut de cette vingtaine malmenée, la chimère lève le nez vers le ciel et scrute ces étoiles qu'elle entrevoit malgré les lumières artificielles. Les plus lumineuses seulement, les autres sont invisibles. C'est l'impression qu'elle a, étoile invisible au scintillement trop faible pour exister autrement. « Tu veux que je te dépose ? » Elle sursaute à cette voix qui la surprend, celle du barman. Elle lui adresse un léger sourire, et secoue doucement la tête. « Non, je préfère marcher. » Les soirs comme celui-là, ça lui permet de laisser les ennuis derrière elle, et de ne pas les ramener chez elle. C'est mieux. Elle préfère. Mais ce ne sera pas le silence de la nuit qu'elle va laisser l'envelopper. Non, c'est des écouteurs qu'elle place à ses oreilles, une musique qui démarre, une main qui dit au revoir au généreux potentiel raccompagnateur. Et elle qui bifurque et commence à marcher en direction de chez elle.

Sofia n'a pas vu l'ombre invisible tapis dans les ténèbres d'une ruelle, à l'abris de la lumière criarde du lampadaire... sinon elle aurait accepté. Sinon, elle ne serait pas rentrée seule, à savourer la fraicheur de la nuit qui rougit ses joues, à fredonner doucement les mélodies qui se déversent à ses oreilles. Le regard qui se hisse vers le ciel, elle en oublierait presque la noirceur de ce monde, tandis qu'elle recommence à prêter attention à une route qu'elle traverse. Et puis ça la happe à nouveau, ce type... Il n'est que de l'histoire ancienne, qu'elle se fustige. Sans se douter du monstre qui met ses pas dans les siens, qui se rapproche doucement mais sûrement de sa silhouette délicate. Il n'y a pas un bruit qui lui parvient, pas l'once d'un frémissement, ou tout simplement l'écho du prédateur, de l'envieux toujours aussi déterminé à obtenir ce qu'il désirait si fort ce soir. Ce qu'elle lui a refusé tel le choix de la reine. Insistance malsaine qui l'a conduit à se faire jeter dehors, la laissant sous la protection du royaume infernal... le temps qu'elle s'y trouvait du moins.

Car déjà c'est une main qui se pose sur son épaule, la pousse à se retourner en sursaut, le regard qui s'agrippe à ce visage qui la fait pâlir. Ici, elle n'est plus qu'elle, sans protection, juste face à ce monde malsain qui déverse sa convoitise avec toute l'âpreté dont il est capable, le vandale. Elle recule vivement, le cœur qui tambourine si fort dans sa poitrine. Elle pourrait jouer, se moquer, ou redevenir l'illusion qui s'érige au Black Bird, mais elle en est incapable à cette seconde. Parce qu'elle ne veut pas de lui, jamais. Alors elle cherche à détaler, mais il est le prédateur ce soir, celui qui a compris que sa proie risquait de s'envoler sans les aigles prêts à la protéger des vautours. Y a sa main qui se referme avec avidité sur son bras, qui la retient, qui la marque aussi sous la poigne douloureuse qu'il lui inflige, tout en faisant tomber l'un de ses écouteurs dans la manœuvre. « Tu vois, j'ai gagné. » qu'il gronde, le monstre. « Va te faire foutre, enfoiré ! » qu'elle lui crache au visage, si loin de la poupée soyeuse, c'est la gamine des rues qu'elle retrouve à cet instant. Mais l'une comme l'autre n'est pas assez forte, et sa détermination n'est jamais que trop fragile. Colère qui gronde et s'effrite dans ses entrailles.