ode aux âmes échouées (ft. dex)

Encore des sous de perdus. Valenven rafle le sol béton de ses chaussures abimées par l’échec cuisant qu’elle vient de gagner. Elle exècre avec attitude la vie, se morfond de n’être plus assez bonne pour tirer parti du système biaisé construit par les brigands de la ville. Ecorcheuse de rêves, larron malfaiteur qui s’empare des richesses qui ne lui appartiennent pas, Seven se déteste d’avoir manqué une énième opportunité de gonfler son ego et son porte-monnaie dégarni par les dernières dépenses indispensables à sa survie. Assise dehors sur la terrasse de son hôtel, elle se grille une cancéreuse pour s’abandonner dans les limbes de l’oubli de son incompétence. Elle n’a pas besoin des autres, se fait croire qu’elle se suffit à elle-même. Pourtant, là, dissimulée au fond de son crâne, s’immisce l’idée de s’auto-détruire avec violence et facilité. La fumée s’évapore dans la nuit éparse alors que la poupée se décide à prendre une pause. Elle ne sera plus comme les autres, ce soir elle veut crever dans l’immondice de l’éthanol et d’un bar miteux. Ce soir, elle veut se démolir sans raison admissible et règlement. La loi du Mal. Parce qu’elle est ereintée, Seven. Voleuse qui démérite ses victoires en truquant les jeux. Elle est anémiée à l’idée seule de recommencer demain, ce cercle vicieux dont elle se fait prisonnière volontaire. Courir après les billets sans jamais les posséder, se faire amante ou fille, inquisitrice qui emporte avec fourberie son dû. Alors elle sort Seven, délivre un message à celui qu’elle croit allié en ordonnant qu’on la rejoigne. Assise au comptoir elle fait tournoyer son verre et s’imbibe le crâne d’une gorgée de quintessence. Derrière elle se dessine l’ombre qu’elle a commandé, le rictus au coin des lèvres comme un signe qu’elle tolère. Elle reconnaîtrait le parfum entre mille, celui de l’argent qui coule à flot devant les prolos. Dex. Maître des vices. « T’étais où ? Je t’ai attendu. Et je déteste attendre. » Elle pique violemment, de l’acier dans les mots pour planter autrui. Sa façon lacérée à elle de dire bonjour.

Elle se noie dans sa détresse silencieuse, la bouteille comme seule bouée pour la ramener à la surface. Elle se noie dans les tourments qu’elle façonne de ses propres doigts comme le besoin irrépressible de se foutre en l’air. Elle n’est rien qu’elle souhaiterait être, elle ne souhaite rien qu’elle aimerait être. Là, âme déchue accrochée à son comptoir comptant les heures éternelles, les aiguilles tournant lentement sur le cadran. Si elle se fait pale figure intérieurement, elle s’efforce à conserver le masque immuable de reine des glaces aux sentiments impénétrables. Dex sied comme exception, compagnon de beuverie dans une illusion où sa présence pouvait muer sa noirceur en lumière. « C’est toi qui payes Stratford, j’ai pas gagné un sou aujourd’hui. » Valenven amère de ses échecs, l’aigreur teinte ses palabres alors que son verbe se fait agacé. Elle peine à digérer les jours où elle rentre bredouille, perdante des jeux dont elle est avide de la victoire. « J’ai la haine, j’ai besoin de boire, le fils à papa que t’es ne va quand même pas me refuser ce plaisir non ? Pense aux prolos. » Son visage se tourne vers lui, le sourire mutin se laisse entrevoir comme un rare plaisir que Seven offre à ses convives. Elle aime piquer pour s’exprimer, s’extasie dans ses retours sarcastiques qu’elle affine depuis des années. Son âme est noire par dépit, par la force de cette vie qu’elle abhorre tendrement. Elle n’arrive à savoir ce qu’elle retrouve chez Dex, la danoise en deviendrait presque trop bavarde. Par la confiance ou la boisson, par ce sang en ébullition. Son regard s’ancre dans le sien avec une témérité qui lui appartient, elle pousse le second verre dans sa trajectoire pour l’inviter dans sa déchéance. « T’avais rien à faire ce soir où tu pouvais juste pas t’empêcher de sauter sur l’occasion de me voir ? Réfléchis bien avant de répondre. » Curieuse et taquine Seven.
Pourquoi t’es là ?
Est-ce que c’est pour moi ou pour toi-même, Dex ?