Morning routine. || ft. Montague

Une caverne humide et sombre,
Une haine qui torpille les boyaux,

Un poids sur la poitrine.

De la douleur lacérée,
Du feu et du sang giclé,

Des jappements.

L'idée d'y rester,
L'idée d'abandonner,

La sensation d'un nez mouillé.

J'ouvre un œil, sur une mine anti-cauchemar. Terry et sa bonne gueule, la queue en l'air et le poil brillant. Ce chien, sans déconner. Faut croire qu'il est réglé comme un coucou suisse, à me grimper dessus dés que je dépasse ne serait-ce que d'un chouilla l'heure du lever. Il pense à moi, c'gentil. Ou alors il veut pisser, c'qui pour le coup est moins altruiste mais beaucoup plus réaliste.
Je râle, vaguement. Ses pattes griffues me labourent les pecs, il redouble de léchouilles sur ma trogne quand je sors à peine d'un tourbillon d'enfer personnel, à base d'images redites, bouclées à l'infinie. Il a la truffe pour flairer quand ça va pas. Je peux pas franchement le détester pour ça. Même si son haleine matinale entre en compétition avec la mienne.
« Mraaaaaah dégaaaaaaaaaaaaaaaaaaaage, sale animaaaaaaaaaal... »
J'le repousse paresseusement d'une main molle, qu'il mordille comme un jouet en caoutchouc. C'est encore un bébé. Un gros bébé, mais un bébé quand même. Un véto m'a certifié qu'il avait que six mois, quand j'l'ai trouvé. Ça bouffe tout à cet âge-là, même de la viande périmée.
Je prends mon temps en jouant des doigts pour occuper la bébête, un brin trop crevé pour songer à me lever. Malheureusement la supercherie dure à peine cinq minutes, l'esprit joueur du gamin poilu subitement fasciné par autre chose, un nœud dans le parquet, une poussière qui vole, bref. Il saute de mon torse et me permet de respirer à pleins poumons.

Ce qui entraîne une quinte de toux. Un sale truc, dés le matin. Un petit rappel de mon corps en vrac qui m'informe que même à l'intérieur, ça commence à se déglinguer. Chouette constat. C'est généralement annonciateur d'une bien belle journée.

Je baille de tout mon soul. Mon dos me gratte. Ma cuisse coupée me lance. Je jette un coup d'oeil à mon réveil tout en digital rouge et me frotte les globes. Pas envie. Hier soir, j'ai abusé. Snake et Wolf m'ont traîné à boire dans un pub en happy hour jusqu'à... y'a seulement quelques heures. Si j'avais pas un gosse à quatre pattes à charge, y'a longtemps que j'aurais troqué mon saut du lit pour un ou deux rêves de merde en plus, ne serait-ce que pour rogner un peu sur ma matinée.

Même si mine de rien, j'ai l'impression d'oublier un truc.
Ca a dû se diluer dans les vapeurs d'alcool.

J'entends Terry faire du foutrac dans la cuisine et finit par soupirer. Pas le choix que celui de bouger. Un effort plus tard, me voilà flanqué d'un calbar, d'un tee-shirt Avengers et de ma jambe en plastoc, j'ai toute l'armure en place pour pouvoir me mouvoir comme bon me semble.

Dans un étirement sonore, j'avance en traînant des pattes vers celles agitées de Terry qui tente d'attraper sa gamelle d'eau renversée et ses croquettes éparpillées partout.
J'vais l'buter.

« Tu fais chier hein. » J'attrape la boule paillasson et le sermonne façon gâteau, sans vraiment de colère dans la voix. Trop crevé pour ça. « Papa il a aut'chose à foutre que d'ramasser tes bêtises... »

Il s'agite pour toute réponse. J'le repose et le laisse aller se soulager sur une serviette dans un coin, prévue pour les bavures de la nuit. On sortira après. Faut déjà que j'arrive à suivre le rythme avant, j'ai plus l'âge de toutes ces conneries de paternel dépassé.
Le bazar ramassé, j'allume à la fois la radio et la cafetière, sacro-saint moment d'extase quand je sens l'odeur d'arabica qui envahit mon petit espace.
Mon réveil passe par les naseaux avant tout. Et au final, ça marche plutôt bien.
Mais c'est que lorsque j'engloutis ma première dose de caféine, tout en mettant les toilettes de Terry à la machine, que j'entends ma sonnette me vriller les tympans, surplombant les décibels d'une chanson de Mike Grant.

Hein ?
Kess'cé que c'bordel ? J'attends personne wesh.

Enfin, j'crois ?

Je regarde mon chiot qui n'en sait pas plus que moi. Ça se lit dans son regard. Qu'à cela ne tienne, autant checker par le judas pour en avoir le cœur net.
L'image dans la lentille ronde me fait manquer un battement.

Putain de bordel à cul.
Montague.
Bird.
SEXY MONTY.

Qu'est-ce qu'il fout là, sérieux ?! J'ai aucun souvenir de l'avoir appelé ou quoi. Absolument rien. C'est les brumes du lac dans mon cerveau troué. Panique à bord tandis que je réfléchis à vitesse grand V. Il m'a vu le regarder, non ? J'peux pas lui ouvrir comme ça, il va penser quoi ? Et l'appart, il pue la-
Nouveau coup de sonnette.
ARRRGH !!

« Ouais ouais !! DEUX SECONDES ! »

Il s'impatiente. Fais chier, merde !! Je cours me cherche un futal, n'importe lequel, dans un réflexe que je me connais pas. Je frise le comportement de midinette pudique mais j'en ai rien à foutre. Fouille rapide sous mon lit. Le jean d'hier ? Ouais, ça f'ra l'affaire, à défaut de mieux. Je me précipite à nouveau vers l'entrée, manque de me rétamer la gueule en me prenant le pied dans le pantalon boutonné à l'arrache à moitié, jure comme jamais ET FINALEMENT J'OUVRE.

« … Heeeeey... salut. » J'ai l'air con avec mes joues rouges creusées et mon sourire de glandu. Tout va bien, j'reste frais. « C'gentil tout plein d'passer à l'improviste. T'es v'nu m'apporter le p'tit-dej ? »

Je l'observe vite fait. Putain. La perspective que ce soit lui, mon p'tit dèj, me traverse l'esprit une seconde et me donne clairement l'envie de me baffer jusqu'au sang.
Je secoue légèrement la tronche, avant de me dégager de la porte pour le laisser entrer, faisant mine de mine de rien en bougeant naturellement vers ma cafetière. Même si c'est surtout un prétexte pour regarder ailleurs, en fait.

« Tu veux un café ? L'est tout frais. »