p.a.i.n ~ adèle

la plaie s’ouvre doucement, lentement. tes prunelles éteintes, suivent sans grande conviction le parcours du liquide carmin. il quitte ta chair, l’embrasse, la brûle avant de s’échouer sur le sol, inerte. plaisir coupable, plaisir douloureux. douloureux comme tes journées qui se ressemblent et se joignent sous le ciel noir, synonyme de ton existence. c’est ça, ta vie toute entière se résume à un mot: ténèbres. et tu ne fais rien pour les contrer. la volonté te manque. l’envie t’a déserté. tu te contentes d’errer comme une âme perdue dans une enveloppe mouvante et destructrice. tu respires, tu bouffes, tu marches, tu survis parce que tu es bien trop lâche pour prendre ta propre vie. trop accro à la douleur pour accepter de ne plus la ressentir. c’est la seule chose qui te maintient à la surface, qui t’empêche de te noyer dans l’océan de tes tourments. mais ils sont trop importants. tes tourments. ils sont trop étouffants. pour les dompter, tu les nourris de ton propre sang. alors tu massacres ton épiderme. tu provoques des individus pour qu’ils te battent sans que tu ne te défendes. au contraire, quand les coups commencent à pleuvoir, quand tes os craquent l’un après l’autre, quand ton écaille se brise, tes yeux eux, cherchent dans l’horizon la faucheuse et sa lame rédemptrice. tu l’attends, tu la guettes et comme toujours, elle manque à l’appel. elle se moque de toi, la sadique. elle refuse de t’emporter sous sa cape au couleur de ton histoire. telle est ta destinée servan. tu dois encore subir le prix de tes choix, tu dois les assumer en silence, entrecoupé par tes petits gémissements de souffrance désirée.

un haut le cœur te saute au cou alors tu te penches sur le côté. tu vomis ta peine. tu gerbes tes regrets. tu t’essuies la bouche la teintant involontairement du sang qui coule de tes phalanges autrefois graciles. tu as perdu la notion du temps. tu ne sais plus où tu es et depuis quand tu crèves dans cette ruelle mal éclairée. tu sais juste que deux homophobes t’ont tabassé. tu les as provoqué en jouant les efféminés, aidé par les couleurs que tu as dessiné sur ton faciès. dès le premier regard échangé, tu as deviné la finalité de la situation. et tu l’as déclenchée. tu as placé ces pions sur ton échiquier, criant échec et mat dès qu’ils t’avaient proposé de migrer vers un endroit plus calme. chacun a eu son compte ; ils ont frappé le pédé et tu as eu ta dose de peine tant espérée.

rassemblant tes forces restantes, tu toques à cette porte. à sa porte. ta jumelle de peine. la princesse aux écorchures tout aussi importantes que les tiennes. son image se dessine dès que les portails en bois s’ouvrent. elle est ton miroir avec ses ecchymoses, défigurant ses traits gracieux. dans le silence absolu, ta main parée de sang se pose délicatement sur sa joue passablement bleutée. tu ne demandes pas ce qui s’est passé parce que tu le sais. après tout, son âme est tout aussi pourrie que la tienne. « t’as du désinfectant ? » à dire vrai, tu n’attends pas sa réponse, tu entres dans l’antre miteux et tu te diriges vers la minuscule salle de bain. tu te laves les mains et tu récupères le nécessaire avant de te poser douloureusement à ses côtés. tu la regardes pour évaluer ses blessures et pour savoir par où commencer. le coton imbibé de produits brûlant, se dirige alors sur son arcade sourcilière. « ta soirée ? » non, vous n’êtes pas des individus comme les autres. harceler l’un de questions inutiles sur le pourquoi du comment de ses blessures, ne fait pas partie de votre lexique. vous vous contentez d’être là, de vous soigner et d’apaiser ne serait-ce qu’un peu vos âmes en perpétuelle agonie.

Invité

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❝ pain. ❞

-- (serèle 1).

C’était la dernière fois, qu’elle s’était dit, il y a cinq jours. L’ultime fois que sa carcasse trouverait place au sein d’un combat clandestin. À croire qu’elle était incapable de tenir ses promesses, Adèle, la tendance à s’auto-détruire plus grande que le reste. L’esprit obnubilé par le fait de cogner, d’être frappée en retour et voilà qu’elle vrillait, le cœur facile lorsqu’il s’agissait de se livrer. De se donner et vouloir tout abandonner, sous les poings d’un adversaire, en espérant qu’il arrive à la tuer. L’achevant sous le tumulte d’une pluie de battements. Alors, cette nuit encore, elle se vouait au déferlement de haine, à l’agitation. Les phalanges craquaient, le sang perlait, à chaque coup. Encore et encore, se défoncer un peu plus, aux craquements d’os, aux arcades et nez démontés sous la fougue de la vipère. Elle en prenait aussi pour son grade, Adèle triomphante, les mains sanguinolentes, un soulagement sans nom. La voilà à provoquer, piquer, sortir les crocs, pour que la violence grandisse. Elle finissait au sol, haletante et ce putain de sourire rayonnant aux lippes, en dépit des côtes douloureuses à chaque respiration. La charogne gisait, de longues minutes, essuyant du revers de quelques doigts, les perles cramoisies obstruant sa vision azurée. Crever comme une chienne, la gueule ouverte, dans une ruelle puant les poubelles et la pisse. Une fin décevante, à l’image de sa descente lamentable. La Reine n’était plus qu’une putain de partisane, rôdant au milieu de la plèbe, en tentant de rester digne. Et les prunelles se vouaient à la voûte étoilée, un bras sur le front, l’autre main contre la poitrine, à reprendre douloureusement son souffle. Montée d’adrénaline repartant aussi vite que venue. Fermer les yeux, quelques secondes et savourer le fait de ne plus penser. Se déconnecter. Une pause octroyée après tant de temps à se torturer, à mutiler les songes pour qu’ils ne deviennent que ruines et cendres. Adèle, sa vie entière se résumait à des frustrations, à des choses qui ne se réaliseraient plus. Elle ne serait pas heureuse et rien ne pouvait la sauver du destin tragique l’attendant. De ces héroïnes dont la mort semblait salvatrice, au bout du fil. Mourir comme une solution. Et c’étaient les ruelles, spectatrices de sa déchéance. Une vie de clocharde à dormir sous un toit étoilé, un duvet comme couverture, en attendant mieux. Rien n’arrivait. Adèle aux espoirs laminés. Cinq années de trop au compteur et l’envie de crever intacte, scintillante, comme au premier jour de la fin de sa vie. En titubant, elle parvenait à rentrer chez elle, ôtant la parure d’hiver pour se trimballer en sweat et culotte. L’épiderme abîmé se dévoilait, sous ses yeux inanimés. Aucun sentiment ne la traversait, poupée amorphe. Anesthésiée depuis de longues années. Une errance sans fin. Son heure viendrait bientôt puisque rien ne pouvait la rendre heureuse, Adèle. Attachée à rien ni personne, simplement des pansements qu’elle retirait de jour en jour. Le néant vivait en elle, ondulait au rythme de ses pas hésitants, bancals, jusqu’à cette satanée porte. Servan apparaissait à la manière d’un nuage de fumée. S’immisçait en elle, comme s’il avait toujours été une partie d’elle, le prolongement d’une émanation défoncée. Pas la silhouette d’une risette égayait la toile sinistre, le suivant comme le ferait une ombre. Fidèle et éternelle, jusqu’à disparaître lorsque le souffle quittait le corps, se fondant à la voûte constellée. Les soins dégainés et elle restait silencieuse, se laissait faire. Molle. Absente. La carcasse présente, mais l’esprit lui, mourait à petit feu. L’on voyait bien que l’étincelle de vie s’éteignait dans ses prunelles. Souffler plus fort puis s’éteindre, ne laissant que le contour d’une fumée, disparaissant. « Tue-moi. » Qu’elle finissait par dire, en redressant ses mirettes azurées vers celles de Servan. Se confrontant au reflet parfait du miroir. « Si tu le fais pas, je le ferai. » J’essaierai, en tout cas, veillant à ce que personne ne vienne me sauver. Et j’te préviens. Que si un jour, tu ne vois rien dans le miroir, c’est que je serai partie.

(c) TORTIPOUSS.

tues-moi. si tu le fais pas je le ferai. la promesse d’une nuit, d’une vie. la promesse qui sonne comme un ultimatum ou comme une supplique désespérée. une demande à laquelle tu réponds par un petit soupir qui te lacère l’âme toute entière. tu aurais aimé lui tendre la main et accéder à sa requête. tu aurais aimé lui promettre de mettre fin à ses souffrances incommensurables. mais tu ne peux pas. tu ne peux lui mentir et la bercer d’illusion. elle est le reflet de ton miroir à jamais brisé. si tes lippes murmurent une contre-vérité, elle le saura, l’enfant des ténèbres, ta jumelle de misère. vous êtes si similaires tous les deux. vous cherchez la fin dans le début de chaque souffrance. vous languissez du clap final, mettant fin à la pellicule tragique de votre existence. vous cherchez le moyen infaillible pour disparaître du monde des vivants. un adieu qui tarde à venir, qui joue les inaccessibles. un nouveau soupir et tes prunelles rencontrent un point imaginaire sur lequel tu t’attardes. malheureusement, tu es conscient de son incapacité à voler sa propre vie. si elle le pouvait, elle l’aurait fait depuis belles lurettes. à ton image. abject, faible, tu n’as pas la force nécessaire de violer le code de la faucheuse. tu attends sagement qu’elle vienne d’elle-même. tu attends impatiemment qu’un individu fasse le sale boulot à ta place. adèle est pareille. elle s’adonne aux combats clandestins pour l’adrénaline de la douleur. pour les ecchymoses qui un jour, seront peut-être mortels. « j’suis un lâche. » tes ourlets décorés de rouge et de bleu murmurent cette vérité. oui, tu es un lâche. peu importe l’amour et l’attachement que tu portes à cet être à tes côtés, tu ne peux lui ôter la vie. non pas par bonté de coeur encore moins par moralité. non, pas du tout. tu es seulement inapte à administrer des blessures à autrui. la seule chair que tu arrives à lacérer est la tienne, le seul esprit que tu adores martyriser n’appartient qu’à toi. tu es le bourreau de ton âme et non celle des autres. tu sers à rien, tu en es conscient. alors, comme pour contrer tes propres réflexions, tu te retournes vers la jeune femme. tel un automate, tes mains se mettent à nettoyer le tableau meurtri teinté sur son visage. ton regard lui offre des excuses. des apologies que tes lippes n’arrivent pas à débiter. tu n’as rien à lui donner, aucune compensation à part une seule vérité que tu murmures presque honteux. « n’me laisse pas seul. » sa peine est la tienne. tu vis avec son mal être tous les jours, sans répit. tu ne lui accordes aucune issue de secours et pourtant, tu t'autorises à lui demander cette faveur. égoïste jusqu’à ton dernier souffle, tu ne changeras pas cette réalité qui te colle à la peau. tu cherches des mots pour guérir ses maux. une consolation, n’importe laquelle. tu ne trouves rien. ton esprit est vidé à l’image de tes prunelles océaniques. alors tes phalanges continuent leurs exercices avant de s’arrêter d’un coup. tu te redresses, boitant jusqu’à la cuisine où elle range ses bouteilles. tu en attrapes une et avant de reposer tes fesses sur le canapé miteux, tu sors une petite boite de ta veste. tu ne peux lui offrir la mort tant espérée mais tu peux au moins apaiser ses tourments ne serait-ce que pour quelques heures. après avoir ouvert la boite qui contient différentes pilules, de la poudre blanche et de l’herbe, tu verses le liquide ambré de la bouteille dans deux verres, tu en attrapes un. « crois-moi, ça peut aider. » à oublier et continuer d’espérer.

» yeah, i tried to get it off my mind ((adele&lou))
» ADÈLE ▬ MINUIT EST LÀ.
» SMS ∴ edwin & adèle.
» adèle ▬ minuit est là.
» la pluie (adèle)