killing boys (Liam)

Elle sort une nouvelle fois, les mêmes habitudes, la même vie qui passe et qui coule. Il n’y a rien qui change, rien qui évolue, les mêmes journées qui passent. Elle vit les mêmes choses l’abimée, les seuls changements qu’elle est capable de vivre, c’est les boulots qui changent. Elle n’reste jamais assez longtemps, les mauvaises habitudes ont la vie dure chez elle. Sûrement parce que l’alcool est devenu la seule boisson qu’elle autorise constamment dans sa vie, que ses rêves l’empêche de se lever le matin pour faire face à la réalité, pour faire face à cette vie qui a été capable de lui enlever son fiancé, celui qui la rendait heureuse, différente. Alors la plupart du temps, elle se lève pas l’abimée, elle reste dans son lit, les larmes le long d’ses joues et les pensées malsaines qui tournent en boucle. Les pensées qu’elle finira par écouter si elle se remet pas sur pied, si elle ne se reprend pas, mais elle est incapable de le faire. Elle n’arrive pas à trouver une bonne raison pour se lever, mais une bonne raison pour venir dans ce bar, elle en a Billie. Elle en a assez pour prendre place sur un tabouret en face du comptoir, pour que ses doigts jouent avec le verre en entendant que les heures passent, en attendant que le bar ferme ses portes et qu’elle soit obligée de rentrer chez elle. Retrouver son lit trop froid, mais surtout retrouver ses souvenirs qui lui feront du bien. La sensation d’être dans ses bras. L’impression d’entendre les battements d’son cœur contre son oreille. La sensation d’être bien le temps de quelques heures, le temps d’une nuit, le temps d’un mensonge qui persiste chaque soirée, qui revient à chaque fois qu’elle peut le faire vivre. Elle n’sait plus comment vivre Billie depuis cette journée-là, depuis cet événement, depuis qu’on lui a enlevé cette partie d’sa propre personne. Elle essaye vainement de se chercher, mais y a rien qui donne goût. Y a plus rien qui mérite son attention, même la musique elle a fait une croix dessus. Même le dessin. Sa vie ne se résume qu’à l’alcool et la violence qui l’anime et l’habite. Léger sourire sur le visage quand elle s’rend compte à quel point sa vie est foutue, à quel point son enfer est persistant.

(c) mars.

Amorphe, l'esprit désarticulé, toujours cette même indifférence à l'égard des affaires qu'il plaidait, envers les victimes dont les regards pesaient mais dont il avait pris le parti d'ignorer. Il n'était pas même affecté Liam, pas même coupable de défendre des coupables, simplement pour mener à bien son devoir. Il avait choisi, en prêtant serment, de compartimenter ses émotions. Aucune des affaires qu'il traitait ne le hantait, parce qu'il l'avait choisi, parce qu'il parvenait, avec aisance, à ne plus ressasser. Ses pensées étaient absorbées par cette noirceur, celle dont il était conscient, celle qu'il ne cachait pas, celle qui le rendait à la fois puissant mais fébrile. Peut-être bien qu'il manquait d'humanité Liam, peut-être qu'il devrait s'affranchir de ses règles, peut-être qu'il ferait des choix différents, guidés par l'intuition, les sentiments, la culpabilité. Des émotions néfastes qui entacheraient son parcours, sa réputation. Alors il avait choisi de continuer, de ne rien montrer, et ne rien sentir. Peut-être qu'il se ferait prendre à son propre jeu.

Il se laisse tenter par un verre ce soir. Laissant de côté ses problèmes avec la société, derrière. Il est là pour simplement se délecter de l'arôme ambré du whisky que le barman lui servit, sans prêter attention à la foule autour de lui. Il pose son regard finalement autour de lui, un sourire, probablement malsain, se dessinait sur les lippes désabusées et doucement il s'approchait de la victime de ses perversions. "Je peux savoir à quoi tu penses? Non parce que c'est la première fois que je te vois sourire." Elle le maudirait, Billie. Elle ne l'avait jamais aimé. Pour l'affaire qu'il avait défendue dans laquelle elle était victime et parce qu'il aimait se placer comme tortionnaire, l'auteur de ses maux douloureux qu'elle pansait avec l'alcool.

(c) mars.

Billie, elle a mal. Elle a dû mal à se relever de tout ça, elle est incapable de le faire, les souvenirs toujours présents et malgré des années plus tard, rien ne s’efface. Tout reste en place. La douleur. L’amour aussi. L’amour pour cet homme qui est sous terre à présent, loin d’elle. Elle a préféré partir de Londres, prendre la fuite pour ne pas passer ses journées sur la tombe, pour ne pas continuer à sombrer, mais est-ce qu’elle pourrait tomber plus bas que ça ? Peut-être. Elle n’a jamais essayé. Continue dans ce rythme de vie de merde, la routine qui lui colle à la peau, celle qui détestait cela il y a des années. Comme quoi, elle est devenue son pire cauchemar. Elle est devenue comme sa mère à la seule différence c’est qu’elle a personne pour prendre soin d’elle, elle a personne à qui faire mal quand l’esprit est embrouillée, quand la réalité n’est plus la même, plus celle des autres qui l’entourent. Son monde. Son cauchemar. Son propre enfer qu’elle dessine du bout d’ses doigts. Du bout d’ses larmes.

Le sourire amer sur le visage de l’abimée, le sourire amer qui se fane rapidement quand la voix tape dans les oreilles. La voix qu’elle ne peut que reconnaître. Un acteur de son enfer. L’acteur majeur enfin presque, trop lié à son esprit à l’autre. Trop lié pour ne pas le détester, pour réussir à ne pas cacher la haine qu’elle ressent, la haine qui l’habite depuis cette fusillade. Billie, elle prend une nouvelle gorgée et essaye d’avaler comme elle peut avant de tourner la tête. Le regard sûrement noir. La colère qui peut se lire sur les traits d’son visage. Elle est incapable de faire semblant, pas face à lui. Pas quand on a le diable devant soi, son diable. Peut-être que c’est lui donner une grande importante, trop grande, mais qu’importe. A comment serait un monde sans une personne comme toi dedans… Et ça pourrait presque lui faire plaisir, presque la rendre heureuse de le savoir mort. De le savoir dans le même état de celui qui lui manque. Celui qu’elle continue d’aimer. Ou alors… d’comment j’pourrais réaliser ce souhait. Une épaule qui se hausse avant de reprendre son verre et d’l’amener à ses lèvres. Gardant son regard dans l’sien, Billie elle détournera pas le regard. Jamais. Elle sera pas faible face à lui. Jamais. C’est la promesse qu’elle a été capable de lui faire. Elle compte bien la respecter celle-ci.

(c) mars.

Le chaos, l'obscurité le dominaient. Des années à chasser ces émotions qui sauraient l'atteindre. Lui et son âme déviante. Happé par les méandres des ténèbres, condamné à expier ses péchés en enfer. Il avait donné son âme au Diable Liam. Lorsqu'il avait poursuivi ses ambitions, lorsqu'il avait piétiné des âmes innocentes seulement pour la gloire, il savait le prix à payer. Et il n'avait jamais regretté ses choix, qu'importe les conséquences qui en avaient découlé. En son âme et conscience, il avait préféré l'obscurité à la lumière. La justice des condamnés plutôt que des condamnables.

Il aurait pu l'éviter, Billie. Faire semblant qu'il ne l'avait pas vue, se retirer, accepter sa peine. Mais sa peine, Liam, il ne la mesurait pas, ne la comprenait quand il était incapable de s'intéresser à rien d'autre qu'à sa propre personne. Le sourire amusé par ses paroles, habitué à sa haine viscérale, celle qu'elle dépeignait du haut de ses mots tranchants, de ses pupilles qui se transformaient en des lames acérées. La vérité, c'est que ça l'amusait. A croire qu'il cherchait le point de non-retour, celui où elle lui rendrait la monnaie de sa pièce. Mais il savait que sa haine n'était que verbale. "J'te hanterai McRae. Tu l'sais bien." Il sirote son verre, ses mots qui lui glissent dessus, comme à chacune des menaces qu'on lui formulait. "Tu serais capable de passer ta vie en taule pour m'tuer ? C'est vraiment triste d'en être arrivée là." Il constate, presque avec dédain. Toujours à jouer dans la supériorité. "Faudrait p'tête que t'arrêtes de boire. Visiblement, ça te fait délirer McRae." Il fait un signe négatif quand le barman s'approche. "Qui de nous deux est pathétique, hein? " Il demande, haussant les épaules, l'genre de questions rhétoriques qu'il utilisait dans ses plaidoiries, cherchant à humilier son adversaire.

(c) mars.

Elle passe ses journées à nourrir sa peine, Billie. Elle passe ses journées à s’rappeler comment avait pu être sa vie avant, comment elle avait été parfaite. Au point que certains auraient pu l’envier, elle était heureuse, prête à se lier pour l’éternité à l’homme qu’elle aimait, en voie de devenir une étoile montante dans la musique. Que demander de plus ? Comment aurait-elle pu croire se retrouver dans un tel état cinq années plus tard ? L’ombre d’elle-même. L’ombre de la femme qu’elle avait pu être, l’ombre de ce qu’elle aurait été si elle n’avait pas vécue cette fusillade. Si elle ne l’avait pas perdu. Elle aurait pu s’en remettre s’il avait été encore en vie. Elle aurait pu oublier. Elle aurait pu faire en sorte de ne jamais tomber dans l’alcool,

Le cauchemar continue encore, le cauchemar ne s’arrête jamais et tout vient refrapper le visage de l’abimée quand elle le voit lui. Le diable en personne. Le statut qu’il doit sûrement adorer avoir, il doit même le savoir tellement il est tordu. Mais qui pourrait le blâmer après tout ? Certains doivent être effrayés de ce qu’il dégage, certaines personnes devaient le craindre ou simplement avoir peur d’attirer ses foudres. Depuis le départ, elle n’fait pas partie d’ses gens-là, Billie. Toujours prête à lui rentrer dedans, toujours prête à laisser la colère prendre le dessus quitte à faire un acte qui pourrait se retourner contre elle. Tant que je ne te vois plus, ça m’va très bien. Une épaule qui se hausse alors que les doigts amènent le verre à ses lèvres pour prendre une gorgée d’sa boisson. Les yeux noirs qui continuent de le fixer, elle ne va jamais faiblir devant lui, jamais elle sera sa proie. Que j’sois en taule ou ici ? Qu’est-ce que ça changerait ? J’serais sûrement gagnante de finir en taule pour t’avoir tuer… J’serais au moins libéré d’un poids. Elle peut pas l’avoir celui qui a réalisé la fusillade, dans un centre. Ailleurs. Trop loin. Trop protégé pour qu’elle fasse quelque chose, mais Liam il sera toujours à sa portée. Il sera toujours le tueur sans réellement. Toujours du mauvais côté d’la ligne à ses yeux. Nouveau rire qui franchit la barrière d’ses lèvres, elle secoue la tête incapable de se retenir. Tu sais que ton manège arrêtera de fonctionner un jour ou l’autre ? Les gens finiront par comprendre comment tu marches et quelle merde tu peux être. La vérité met du temps à arriver, mais elle arrive toujours. C’est une chose qu’il ne peut pas contrôler ou même empêcher. La vérité éclatera et sa propre personne aussi.

(c) mars.

Il pourrait simplement savourer sa victoire avec humilité. Comprendre les différends qu'elle pouvait ressentir à son égard Billie. Il pourrait juste ne rien dire, faire profil bas et se taire face à sa peine immuable. Pourtant, sa personnalité, excentrique, narcissique, l'empêchait de faire preuve de compassion. Peut-être que ça l'amusait au fond. De la savoir torturée, de ne pas avoir l'avoir aidée dans son deuil. Il n'était pas du genre à faire de la charité pour toutes les âmes en peine d'Exeter, ni à ressentir une quelconque once de culpabilité face à ses mots troublés.

Il l'écoute, elle et ses folles théories. Se contente d'hausser la tête, la laissant vaquer à sa folie meurtrière, celle à laquelle il était presque habitué. Il ne tressaillait pas, l'sourire en coin qui vient se glisser sur ses lèvres désabusées. Cherchant encore à éveiller sa colère, son mépris. "J'ai pas l'intention de partir." Liam torturait ses victimes de la pire des manières en leur infligeant son indifférence implacable, ses sourires malsains, ses répliques cinglantes. "Arrête, j'vais pleurer." Il conclut, posant son regard bleuté sur les opales de la belle Billie. Il l'écoute, sirote son verre, ses menaces qui glissent comme des perles de pluie sur une zone d'imperméabilité. "C'est des menaces?" Il demande, souriant légèrement, avant de se rapprocher doucement. "Ce que je fais ? Juste mon taff. Ni plus, ni moins. Désolé si ça t'échappe, j'vais pas t'expliquer en quoi ça consiste le job d'avocat." Il soupire, jette un coup d'oeil sur sa montre. A s'ériger comme le juge final, Billie, elle l'agaçait. "Pourquoi t'arrêterais pas de boire ? Peut-être que t'auras les idées claires." Il lance, avant de couper la conversation, préférant en arrêter là de peur que les mots dépassent sa pensée.

(c) mars.

Qu’elle le souhaite ou non, elle rentre dans le jeu Billie. Elle prend la parole. Répond avec hargne et force. Montrant à quel point sa personne peut la dégoûter. Montrant à quel point, elle ne pourrait jamais supporter sa vue devant ses yeux, à quel point sa présence est dérangeante. C’était comme si on appuyait un peu plus sur les plaies, comme si on lui rappelait sans cesse ce qu’elle a pu vivre, ce qu’elle a pu perdre. A quel point, sa vie est une énorme merde à présent. Le sourire aux coins des lèvres, mauvais. Comme souvent quand il est devant lui, l’avocat. Comme si tu ne profiterais pas d’ta victoire juste devant mes yeux. Même cinq années après l’homme doit être content d’ce qu’il a réussi, non ? Un criminel dans un centre psychiatrique. N’importe qui voudrait pourrir comme ça que derrière des barreaux. C’est limite la belle vie pour des personnes comme eux, des personnes qui ont tout détruit sans trop savoir pourquoi, pour un mal être, par stupidité ou toutes autres raisons qu’elle ne peut comprendre. Y’a jamais des menaces avec moi, Liam. Que des promesses. Des promesses qui prennent aux tripes, des promesses qui la pousseront à passer à l’acte un jour ou l’autre. La violence maîtrisé en ce moment. Des coups. Des combats. Jamais rien d’trop. Jusqu’au jour où elle va dépasser la barrière, l’abimée. Jusqu’au jour où ses mains finiront avec du carmin. Ce moment où elle n’sera plus victime mais bourreau. La limite qui se rapproche, mais le calme qui règne quand même. L’envie d’rester dans le bon camp. Pour l’instant. Pour pouvoir le détester surtout. Les détester tous. Tout ceux qui sont heureux depuis cet événement qui a mit fin à son propre paradis, son propre bonheur. T’es pas sensé de défendre les gentils ? T’as pas juré d’mettre les criminels derrière les barreaux ? Toujours un peu idéaliste l’abimée. Toujours quand il s’agit de tout ça, des restes du passé. Des restes d’son ombre. D’son ancienne vie. J’ai les idées claires, t’en fais pas pour ça. J’ai totalement conscience de ce que j’raconte et d’ce que j’fais. Parce qu’elle a les mains qui la démangent, les mains qui ont envie d’entourer son cou. D’rencontrer son visage pour lui faire du mal. Pour partager sa douleur. Pour qu’il puisse voir ce que son taff avait pu lui faire à elle.

(c) mars.

Billie, elle était de ces coeurs meurtris. Se laissant happer par la folie dévastatrice, incapable de se ressaisir quand ses émotions implosaient. Elle était cette bombe à retardement. Dégoupillée, elle provoquerait l'anarchie autour d'elle. Le chaos, la violence, avait quelque chose de réconfortant que Liam pouvait comprendre. Peut-être que s'il avait foi en l'Humanité, se laissait guider par ses propres émois, ceux qu'il avait si longtemps refoulés, à présent inexistants, il plaiderait différemment.

Mais il reste à l'écart de tout ce qui entacherait sa notoriété. La moralisation de la société, les jugements des autres n'étaient pas ce qu'il l'attrayait. Il reste silencieux aux mots de Billie, elle était vulnérable, impulsive, incapable de comprendre ce qui la dépassait. Il la laisse dans son désarroi, dans ses pensées futiles, à ressasser les vestiges d'un passé enseveli par l'écume du temps. Il la laisse s'imaginer les pires horreurs à son sujet, ce qui pourrait l'arranger, quand il ne cherchait pas à lui plaire, à lui convenir. Ses lèvres s'étirent légèrement face à ses mots presque puérils, tant elle était naïve mais gardait ses convictions au creux de son être étriqué, se contentant d'hocher la tête. "Ton monde est un tantinet utopiste. Y a pas que les gentils qui mettent les méchants derrière les barreaux. Ce serait si facile, quoi qu'un poil simpliste." Il ose presque la railler, sans jamais trop s'y risquer. Il joue avec le feu, quitte à s'en brûler les ailes. Il cherche dans sa poche quelques billets, qu'il dépose sur le comptoir et qu'il glisse pour régler leurs consommations. "Si tu le dis." Indifférent, toujours las, il finit par se relever, posant sa main sur son épaule, se baissant vers son visage. "Fais croire ça à qui veut l'entendre. Dans mon métier, j'ai souvent affaire à des menteurs tu sais." Il fit un signe de tête avant de s'effacer, la laissant dans ses idées délurées.

(c) mars.