whispers at midnight- ft. liam

la mémoire. le déboire. les souvenirs illusoires, d'un moment éphémère. d'un corps-à-corps incendiaire. assis là, à quelques mètres d'elle. juste quelques pas à faire, pour le retrouver. juste un vide à combler, pour laisser sa main le toucher. pourtant, sur son trône de fer, la reine est pétrifiée. hésitante, à l'observer de loin. blottie dans son manteau de peine, à y ressasser ses dilemmes. immobile, les opales tels des projectiles, qui volaient jusqu'à lui. dans un battement de cils. détaillant ses allées et venues, depuis de longues minutes. déchiffrant ses paroles, lisant sur ses lèvres, les conversations qu'il entretenait avec son complice. il l'avait mise de côté. oubliée. liam, l'éternel occupé. et lumi, l'option qu'il ne choisissait jamais. y'avait cette appréhension, ces sensations, qui perturbaient sa respiration. à l'idée de lui imposer sa présence, qui n'était pas désirée. une éternité s'était déjà écoulée, mais elle restait figée. coincée, avec sa fragilité. bloquée par cette contrariété, qu'elle ne pouvait pas nier. lorsqu'elle le voyait graviter, au centre de sa voie lactée. il était différent. avec lui, ne s'écoulait plus le temps. aucun moment ne semblait être le bon. toujours trop tôt. toujours trop tard. avec lui, c'était différent. elle, qui n'était pourtant jamais déboussolée. jamais heurtée, lorsqu'elle se rappelait des émois passés. différent. comme si le fait d'être imprégnée de lui, la rendait esclave de ses pensées. de leurs excès. leur relation bancale. leur lien immoral. il n'était qu'une entaille. une blessure de plus, qui finirait par suinter. une déception, qu'elle allait devoir supporter. elle ne pouvait pas s'en empêcher. de le revoir. de lui parler. de lui écrire. de le charmer. lumi, elle ne voulait pas éteindre la flamme, qui s'était ravivée. elle voulait encore attiser le feu de son myocarde, qui s'était remis à brûler.

la silhouette longiligne se décidait finalement à bouger, pour rejoindre celui qui accablait son esprit. qui dévorait ses idées. un instant, une opportunité. où il se retrouvait seul. l'aura lumineuse se dirigeait vers le bar, et elle le suivait. avant de lui imposer sa présence. surgissant telle une chimère, dans un doux cauchemar. la confrontation. à heurter ses prunelles claires, et son monde intouchable. armée de son sourire discret, elle le sondait. et dans ses yeux à elle, il était coupable. coupable d'avoir renversé ses fondations. d'avoir affolé ses émotions. ses pupilles étaient sombres, mais toujours subjuguées par sa pénombre. tout se mélangeait dans sa tête. que dire ? comment ? les lippes s'entrouvraient, mais les paroles demeuraient inaudibles. apeurée. aucun mot ne semblait assez fort, pour briser le silence. devant son air impassible, elle faisait bonne figure. puissante, séduisante. alors qu'elle tremblait intérieurement, à l'idée de l'aborder. alors qu'il refuserait peut-être de lui accorder un moment, de lui offrir du temps. leur relation stagnait. en dents de scie. depuis leur rencontre, le lien se nouait, puis se dissolvait. liam, il n'était pas de ceux qu'on pouvait capturer. telle une ombre, il s'émancipait. n'engageait aucune responsabilité, dans une relation charnelle vouée à l'échec. pourtant, son instinct la sommait de penser le contraire.

dans sa longue robe noire, elle brillait. volant des cœurs, arrachant des sourires. centre de l'attention, au creux de mille regards. mais pourtant pas du sien. le sien, il semblait éteint.

" bonsoir liam, avez-vous un peu de temps à m'accorder, maintenant que je vous ai retrouvé ? "

demande-t-elle doucement, tandis qu'elle observe l'agitation autour d'eux. les doutes, et l'esprit malade, reprenaient le dessus. comme le pressentiment, de ne pas être la bienvenue. qu'il ne l'avait jamais voulue, ni jamais attendue.

(c) mars.

La mâchoire crispée, la liqueur ambrée qui brûlait déjà ses lèvres incendiaires. La colère toujours au bord du précipice, prête à imploser. Il avait voulu taire sa défaite, noyer son égo ce soir quand l'obscurité avait pris place dans les rues malfamées d'Exeter. Un procès perdu ; du temps - et de l'argent - réduits à néant. Ce soir, on avait sapé sa notoriété, l'élitisme que prônait son cabinet n'était que méandres quand les nouvelles se répandront et que les regards de ses rivaux se feraient presque moqueurs, satisfaits de sa déchéance notoire. La cigarette sur laquelle il tirait avec excès, nervosité, un combo d'émotions qu'il peinait à gérer, bombe humaine prête à être dégoupillée. Il s'avançait vers le seul lieu où personne ne viendrait le trouver, évitant les lieux prisés par ceux qu'il affronterait demain, de son air dédaigneux, sans jamais plisser le regard face à eux. Ce soir, il n'aura pas besoin de prêter attention au flot d'insultes qui se bousculait déjà au creux de ses lippes désabusées. Il écrasait sa cigarette machinalement, poussant les portes de l'enseigne, prêt à laisser la colère le galvaniser, se laisser emporter par le torrent de son arrogance à son paroxysme. Il commanda un verre, fut rejoint par son ami quelques secondes plus tard, le malheureux qui subira le poids de son courroux.

Les heures défilèrent, l'esprit taciturne à mesure qu'il noyait sa déception dans le graal qui l'accompagnait dans chacune de ses humeurs, bonnes ou mauvaises. La conversation avait dévié sur les femmes, sur la famille, sur des sujets presque trop banals pour qu'ils soient sincères. Le casino commençait à se remplir, les esprits s'échauffaient un peu plus loin et dans son rôle d'hôte, Edwin s'échappait pour tenter d'apaiser les tensions. Liam soupirait, jetant un coup d'oeil finalement sur son téléphone, quelques messages de sa famille qui s'inquiétait ; à croire qu'ils connaissaient les réactions exacerbées d'un ainé à l'égo probablement surdimensionné. Mais Liam, il ne disait jamais rien et leur répondit sur le ton de l'humour, une légère pointe d'amertume qu'il laissait entrevoir néanmoins. Il avait entendu des pas se diriger vers lui et pensant qu'Edwin l'avait rejoint à nouveau, il releva son visage de son téléphone, prêt à lui sortir une remarque sur son absence qui s'était éternisée. Mais il heurta de plein fouet le regard de Lumilda.

Des bribes souvenirs de leur danse charnelle qui se jouaient devant lui et il restait silencieux, peu enclin à engager une conversation maintenant. Il l'observait distraitement, rangeant son téléphone, quand un autre soir, il se serait perdu sur sa beauté presque irréelle, sur ses courbes qu'il rêvait de frôler à nouveau du bout de ses doigts curieux, avides de désir. Il attendait qu'elle comble le vide, ses pupilles heurtant les siennes, à la recherche de réponse quand elle demeurait silencieuse. Il n'était pas d'humeur à sonder son âme, quand il était égoïstement préoccupé par d'autres projets. Elle brisait finalement le silence et il hochait la tête à ses paroles, quand son regard quittait le sien pour vider d'une traite son verre. "Pas vraiment. " Il répondit finalement, ses iris heurtant les siens, l'obscurité qui scintillait plus que jamais. Il ne parvenait à la préserver de ses contrariétés.  "Je suis désolé, je suis déjà avec un ami. Et pour être tout à fait honnête, je suis pas d'humeur à faire ça ce soir, mais je reviendrai vers vous plus tard pour tenter de trouver un moment pour faire ce que vous voulez qu'on fasse." Il l'invitait presque à prendre congé, de son sourire faussement chaleureux, sans vraiment avoir de réelles convictions dans ses paroles, sans vraiment savoir ce qu'elle attendait de lui quand il était incapable, physiquement, mentalement, de lui donner ce qu'elle voulait. Il n'était pas de ces princes charmants, cherchant l'éternité auprès de sa dulcinée. Il était l'astre sombre, la silhouette dans l'obscurité qui ne recherchait rien d'autre que l'éphémérité.

(c) mars.

face aux barrières qu'il érigeait entre leurs deux êtres, elle restait démunie. il était froid. la violence glaciale, implacable, résonnait au creux de mots jonchés de maladresse. au diable la finesse, lorsqu'il avouait ouvertement qu'elle n'avait été qu'une caresse. un passage éclair dans sa forteresse. elle, qui n'avait mis qu'un pied dans son monde. là, où demeurait cette odeur nauséabonde. entourée par les nuisances de son cerveau égoïste, par les véhémences de son cynisme. liam, il utilisait les gens dans son intérêt, simplement pour réaliser ses propres souhaits. leurs états d'âmes ? leurs sentiments ? inexistants. lorsque les paroles acides déchiraient presque ses oreilles, ce fut le début de son douloureux réveil. la vérité de ses mauvais choix, qu'elle prenait en pleine face. la morsure de sa dignité. d'une cruauté sans nom, il la piquait avec viciosité.

" ce que je veux qu'on fasse ? "

répétait-elle, le sourire en déclin face à son irrespect. pleine de curiosité, elle voulait juste se rapprocher de ses ténèbres. vibrer dans sa pénombre, apprendre à découvrir son côté sombre. mais la monstruosité de ses idées brisait son élan. la forçant à reculer, à renoncer face à la faible estime qu'il avait d'elle.

" vous m'avez coupé toute envie de réitérer l'expérience. "

avec lui, elle allait de déception en déception. pourtant, avait-elle même le droit d'être déçue ? à quoi s'attendait-elle ? lui, qui était plein de vices, avide de pulsions destructrices. elle le savait. que le feu et la glace n'étaient pas faits pour fusionner. qu'elle ne pourrait le changer, ni même l'apprivoiser. pourtant la noirceur de son âme l'avait attirée. tel un trou noir, dans lequel elle s'était engouffrée. aveugle, privée de sa rationalité, lorsqu'elle était en sa présence. à la fois hypnotisée, comme offusquée, de cette animosité qui en ressortait. liam, tel un fauve, il l'attaquait. jouait avec elle. avant de la saigner, de la laisser ramper dans son atrocité.

" pour qui vous me prenez ? "

demandait-elle, croisant les bras pour cacher son mécontentement. il ne détournait pas le regard, affrontant pleinement la furie sur son champ de bataille. elle n'était pourtant pas prête à en démordre. elle n'allait pas lâcher. se laisser trainer dans la boue, par ses crocs acérés. liam, il n'était probablement jamais confronté à ses actes odieux. cela ternirait sa notoriété, si son manège venait à être révélé. alors qu'elle l'accablait, son ami revenait s'installer auprès de lui. confus, témoin de la scène qui se jouait, au creux de ses prunelles intéressées. le sourire carnassier, il les observait, s'apprêtant à intervenir pour faire redescendre la tension. mais elle le coupait. braquée, piquée au vif dans son amour-propre. elle refusait de s'éclipser. de ployer, face à ce monstre d'obscénités.

" nous sommes en train de discuter, merci. "

regard occulte qui le sommait de rester silencieux, tandis que ses orbes heurtaient la source de son courroux. liam, il n'aimait pas que son image soit entachée. que sa réputation soit ternie. pourtant, ce soir, elle n'allait pas céder. elle n'allait pas faiblir, face à cette position de force qu'il avait décidé d'occuper. lumi, elle n'avait rien à perdre. rien à espérer. venant d'un homme qui lui portait autant de considération que le néant. sombrant dans le pessimisme, elle perdait son éclat de vivre. ses éclats de rires, ses sourires. les mains acides dépouillant sa carcasse creuse, pour qu'elle devienne aussi vide que son regard.

" je n'suis plus intéressée par vos visites nocturnes. vous n'avez qu'à claquer des doigts pour trouver une autre candidate. ce sera facile. "

son agressivité prenait le pas sur sa lucidité. elle se laissait emporter par la colère, prête à lui nuire, à l'humilier publiquement devant son ami. lumi, elle n'avait plus aucune limite lorsqu'elle était blessée, lorsqu'elle se sentait offusquée. rabaissée au rôle d'un papillon de nuit. comme si elle appartenait à son harem, à la liste de femmes dévouées, qu'il pouvait manipuler à sa guise.

" si vous êtes aussi rapide pour passer à autre chose que pour terminer un rapport, je ne me fais pas de soucis pour vous. "

mauvaise, elle n'abdiquait pas face à son regard austère. piégée dans un tourbillon émotionnel, une lutte acharnée contre un homme dénué d’empathie et d’humanité. lumi, elle restait droite, elle restait fière. les talons bien incrustés, au bord de son souffle glacé. à le toiser, le provoquer. sans ressentir une once de culpabilité. il était comme une entrave à sa liberté, comme un frein à ses rêves et à sa vie. comme une enclume qui la tirait vers le bas, qui lui pesait. alors qu'elle voulait simplement avancer, déployer ses ailes. fuir loin de son désastre, pour aller côtoyer les astres.

(c) mars.

L'as de trèfle qui dévoilait ses attributs les plus vils. Liam et son arrogance implacable, palpable. Incapable de faire taire son échec qu'il ressassait inlassablement. Les lèvres pincées, les nerfs à vif, face à une Lumilda qui ne reculait pas. Elle serait un dommage collatéral si elle s'approchait un peu plus, à trop vouloir approcher l'obscurité, on finit toujours par s'y brûler. Il l'écoutait, elle et les grands airs qu'elle se donnait, à croire qu'elle voulait lui porter le dernier coup de glaive. Elle ne comprenait pas Lumilda. Qu'il ne s'adonnerait pas à un spectacle devant les quelques personnes, avides de curiosité. Il l'écoutait silencieusement, la mâchoire crispée, tentant de maitriser la colère sinueuse qui s'invitait aux portes de ses lèvres pourtant silencieuses. Elle pouvait lui adresser tous les torts si elle le souhaitait, il était prêt à les assumer. Simplement pour la faire taire, arrêter le concerto qui se jouait dans son esprit tourmenté. Elle s'emportait, Lumilda. Liam ne réagissait pas, bien trop centré sur sa personne blessée, incapable de la rassurer. Elle lui avait simplement prêté des intentions; peut-être qu'elle aurait dû faire attention à la personne en laquelle elle avait placé ses convictions.

"C'est vraiment pas le moment, je viens de vous le dire Lumilda." La tête entre les mains, il reportait son attention vers elle. Peut-être c'était ce qu'elle cherchait ? Susciter une quelconque réaction en le bousculant dans ses retranchements. Peut-être qu'elle pensait qu'en venant ici, en l'importunant dans son élément, il viendrait à quelques confessions. Il n'était pas de ceux qui se laissaient outrageusement accostés. "Tant mieux alors. On est sur la même longueur d'onde à présent." Il souffle, exaspéré par ses réactions exacerbées. S'effilochait le lien qu'ils avaient tissé à mesure que la conversation s'embrasait. Les non-dits finissaient par éclore, les langues se déliaient. Peut-être qu'il aurait préféré un autre moment Liam ; peut-être qu'il n'aurait pas été aussi distant et méprisable, plus à l'écoute sur les maux qui l'habitaient. Peut-être qu'il aurait été plus attentif quand aujourd'hui, son esprit était chétif. Mais elle était toujours là Lumilda, à lui faire son procès, au milieu d'une foule endiablée. "Et vous ? Qu'est-ce que vous croyez qu'on est pour me faire une scène quand j'vous dis que c'est vraiment pas le moment ?" Edwin revient de sa course effrénée. Il pose un regard vers lui, celui qu'il comprendrait. Prêt à le sauver des crocs acérés d'une femme blessée, Lumilda ne se laissait pas amadouer malgré l'habilité d'un habitué. Elle réplique abruptement, continue à plaider sa cause auprès d'un vaincu.

Il soupire bruyamment, le regard distrait, les bras croisés, peu habitué à gérer les crises de femmes qui demandaient leurs restes. Habituellement, d'un commun d'accord, ils convenaient d'en arrêter là. Pas de mot laissé sur la table de nuit, rien d'autre que l'odeur de son parfum suintant les draps froissés. Et si une part de lui, en son for intérieur admettait qu'elle était différente, il ne le reconnaitrait jamais. Non pas par orgueil ; simplement parce qu'il n'avait jamais accepté la dépendance, l'accoutumance à quelque chose qu'il ne pourrait pas contrôler. Des incertitudes fondées sur des émois passagers; qui s'estomperaient quand la flamme incandescente finirait par s'éteindre.

Mais Lumi, à pousser le vice trop loin, était parvenue à réveiller son esprit amorphe. Elle savait qu'en s'aventurant sur des pentes vertigineuses, il finirait par réagir. Il glissait un mot vers Edwin qui hochait la tête, bien trop embarrassé pour laisser son ami se faire humilier. Il finit par se lever de son modeste trône, se servit deux derniers verres qu'il vidait d'une traite, avant de se placer devant Lumi, la surplombant quelques secondes avant de la prendre par le poignet, contact dénué de tendresse, ferme comme il comptait l'être loin des oeillades indiscrètes. Il se dirigeait vers la réserve du casino, laissait Lumi entrer en premier avant de refermer la porte, la faible lumière éclairant leurs auras ternes.

"Vous allez trop loin. "Il la pointe du doigt, s'adosse contre la porte, reniflant assez bruyamment pour combler les quelques secondes de silence qui s'accordait pour reprendre le pas sur ses soubresauts. "Un jour, vous m'aimez bien, le lendemain vous me détestez. Un autre jour, vous me charmez et puis finalement le lendemain, vous me faites un scandale. Je vous retourne la question: pour qui vous me prenez ? Vous pouvez pas tout simplement accepter que c'est pas le moment ?" Ses opales s'étaient obscurcies. Loin des artifices, il pouvait enfin se laisser emporter par cette colère qu'il avait encaissée. Ses mots presque blessants; lesquels elle regretterait le lendemain. "Quand vous m'avez planté parce que vous avez su que j'avais eu avoir avec votre traumatisme, est-ce que je vous ai fait un scandale ? Quand vous m'avez donné aucune nouvelle, quand vous me preniez la tête, est-ce que je suis venu à vous, en vous apostrophant devant vos amis, des inconnus, en vous humiliant publiquement ? Non." Il secoue négativement la tête, s'approchant d'elle le besoin de lui faire comprendre qu'elle avait franchi le pas de trop dans son intimité. Qu'il n'était pas encore prêt pour ça. "Vous n'avez pas à venir ici, à m'humilier parce que je vous ai donné aucune nouvelle, à vous en prendre à des personnes que vous ne connaissez pas. D'une, parce que vous brassez du vent. De deux, parce que je ne suis pas votre petit-ami, que je ne vous dois aucun compte. De trois, parce qu'aujourd'hui, c'est vraiment pas le moment. Et si vous l'aviez accepté, je serais revenu vers vous quand j'aurais fini d'arranger mes affaires personnelles." Il guettait sa réaction; voulant lui faire comprendre qu'elle avait été trop loin. A trop vouloir s'immiscer quand il avait simplement besoin d'expier ses erreurs. Il se malaxait les tempes avant de se redresser, jetant un coup d'oeil à son téléphone, attendant le mail de son client déchu d'une quelconque victoire. "Et vos allusions nous concernant, gardez ça pour vous. Surtout quand vous en pensez pas un traitre mot, la preuve en est que vous êtes encore ici." Il ajoute, les bras croisés, les sourcils froncés, préférant maitriser le brasier au risque d'incendier la pièce mansardée.

(c) mars.

ils ne pouvaient se comprendre. réussir à accorder leurs envies, leurs attentes. du plus profond de son être, elle le haïssait. elle détestait son côté insensible. cette attraction irréversible, qu'elle éprouvait lorsque leurs planètes entraient en collision. liam était la plus fidèle représentation de l'obscurité. sa noirceur l'attirait, comme les ténèbres qui l'appelaient. pour lui délivrer une place, dans son immensité. se blottir dans les bras du diable, pour ne plus se sentir misérable. faible. fragile. fébrile. le cerveau retourné, les réflexions désaxées. c'est la chute libre de son esprit en perdition. elle ne tient plus debout, son corps devient fou. la vie, depuis lui, c'est un châtiment. un sort fulgurant. viscéral. des appuis bancals, sur une mer infernale. un dénouement absurde, insensé. mauvais choix sur mauvais choix.

" avec vous, ce n'est jamais le bon moment. "

déduction ferme, qui découlait de son jugement acerbe. les canines plantées au bord des lèvres, pour réprimer l'envie d'intensifier ses propos. de délier sa langue, et les atrocités opprimées au fond de sa trachée. ses orbes clairs la scrutaient, lui lançaient des éclairs. elle restait de marbre. trop courroucée, pour reconsidérer les faits. trop bornée, pour voir les choses d'un regard différent. dans un autre contexte, peut-être aurait-elle approuvé ses propos. peut-être lui aurait-elle donné raison. mais pour l'heure, elle en était incapable. la colère s'était éveillée, intensifiée. depuis que liam, évoquait des questions qui fâchaient. des interrogations auxquelles, elle ne voulait pas être confrontée.

pour se défendre, elle attise sa haine. elle le blâme, le méprise. invoque en lui le pire. devant son ami, les inconnus, elle entache sa réputation. le volcan en éruption s'abat sur lui, telle une déflagration. un souffle brûlant de vengeance, sur des vapeurs de remontrances. elle voit rouge. la main autrefois douce, agrippe son poignet. le serre fort. beaucoup trop fort. emprisonnée dans sa hargne. enfermée dans sa poigne. il l'attire dans son purgatoire, où elle subira sa foudre. le fantôme entre, le démon la suit. s'appuyant contre la porte, pour empêcher sa fuite. pour lui exposer ses erreurs, tenter de comprendre ses maux, son aigreur.

sous la lumière de fortune, lumi s'agite. lumi s'anime. déambulant de gauche à droite, comme un lion en cage. elle l'écoute. le regarde. puis reprend sa ronde. marque des pauses. des arrêts, où elle sonde ses opales. où elle se noie dans son souffle glacial. elle ne dit rien. elle réfléchit. il grogne, lui fait prendre conscience de ses fautes. elle a perdu le contrôle. a saccagé ses bonnes manières, de sa hargne débordante, de ses pulsions solaires. lumi, elle est indomptable. insupportable. parce qu'elle le veut. elle le désire. mais elle le méprise. elle maudit tout de lui. elle se sent bête. idiote. absurde. il a raison. simple hochement de tête pour approuver ses dires.

" je m'excuse pour le tort que je viens de vous causer, je n'avais pas dans l'idée d'aller aussi loin. j'ai simplement du mal à... "

la voix se brise. elle reste silencieuse, enveloppée dans la fureur de ses orbes. elle ne peut pas l'expliquer, n'arrive pas à poser de mot sur ce qui la dévore. la silhouette reste statique, son regard l'évite. se pose partout où il n'est pas.

" gérer mes émotions. ce que je ressens. parfois c'est extrême et... je ne contrôle plus rien... plus rien du tout. "

elle n'est pas comme les autres. toujours dans les excès. larguée, depuis son traumatisme. rien n'a changé. toujours le même refrain, toujours ce jeu malsain. lumi, elle a peur de se retrouver seule. peur de s'éterniser dans un monde hostile, où tout n'est que futile. là, où les relations ne valent rien. là, où les mots confortent les mensonges, tapissent la réalité de fioritures dorées. les masques ne se baissent jamais, tant qu'elle peut être manipulée. ils finissent simplement par tomber, lorsqu'elle leur a déjà tout donné, tout dévoilé. le corps se flétrit, la confiance dépérit. lumi, elle est éprouvée. elle absorbe, puis elle déborde. telle une éponge. elle est utilisée. se craquèle, et puis se brise. incompatibles. les palpitations de son myocarde s'emballent. intensifient la maladie. cette dépression qui s'amplifie, et se nourrit de son désarroi.

" pourquoi... pourquoi c'est vous qui devez mener la danse ? pourquoi c'est vous qui devez décider de tout ? "

ses prunelles gravitent autour de lui. astres perdus dans sa galaxie incomprise. tant de mots qui font peur. tant de diagnostics qui semblent désastreux, défectueux. derrière cette détresse se cache un état de fébrilité permanent. elle ne vit plus, elle survit. elle attend. après eux, après lui. totalement dépendante. prête à lui offrir la corde autour de son cou, alors qu'il fuit l'attachement.

" non je n'le pense pas. pas une seule seconde. mais si vous aimez les petites choses dociles, les affaires faciles, ce n'sera pas avec moi. je suis là, devant vous. et ça vous énerve au plus haut point, car je n'ai pas suivi 'vos règles' stupides "

rictus mauvais qui obscurcit le bord des lèvres, elle s'approche doucement de sa silhouette. marque à plusieurs reprises un endroit sur sa poitrine, de son doigt brûlant. une fois. deux fois. elle le malmène. l'accable de ses croyances en déclin. comme pour lui faire comprendre qu'il devait prendre son avis en considération.

" peut-être que le monde ne tourne qu'autour de vous, mais si moi, j'ai besoin d'attention ? si moi j'ai l'envie ou la nécessité de vous parler, vous allez continuer de m'ignorer ? "

elle reculait de quelques pas, pour s'adosser contre le mur. la main venant couvrir ses yeux, pour les frotter doucement. un rire nerveux s'échappait de ses lippes, consciente qu'il se moquait éperdument de sa condition. qu'il demeurait imperméable à ses émotions. elle soupirait de sa naïveté, de ce rejet, qu'elle allait cruellement essuyer. ce soir, encore une fois, en lui partageant ses émois.

(c) mars.

Il l'avait attirée loin du brouhaha infernal, loin des oreilles qui trainaient. A l'abri de tous ceux qui pourraient le reconnaitre, se calfeutrant loin des jugements qui ne feraient que décroitre un peu plus sa notoriété. Il ne parvenait plus à maitriser le brasier en lui, les paroles dépourvues d'adresse, quand elle avait essayé de l'humilier devant la plèbe, devant son meilleur ami. Renforçant la perpétuelle lutte qu'il menait pour ne pas laisser la colère prendre le pas. Loin de tout ce qui le préoccupait quelques secondes plus tôt, il implose. Met des mots sur ses contrariétés, le regard perçant. Peut-être qu'une symbiose s'était nouée, peut-être que quelque chose de différent s'était formé à son insu. Mais il demeurait libre de ses mouvements. Dénué de chaines le sommant d'un quelconque devoir d'explication, de justifications dans ses choix arrêtés. Elle se méprenait Lumi. Sur ses attentions, sur sa capacité à occulter ses émotions, celles qui se perdaient dans les méandres d'un esprit tourmenté.

Il se lance dans des explications détaillées. Sans jamais lui laisser le temps de répondre ; le besoin inexorable d'exprimer son irritation. Comme une gamine prise en faute, il ne démord pas. Fâché, contrarié, Lumi n'était qu'un dommage collatéral qui s'était frottée un peu trop contre un loup hargneux. A la rancune méprisante, aux crocs acérés, l'empêchant de prendre la tangente quand son corps faisait barrage. Le cynisme implacable qui lui collait si bien à la peau, il l'écoute de son regard indifférent. Cherchant la vérité qu'elle masquait sous des euphémismes qui provoquaient quelques froncements de sourcils. "J'accepte vos excuses pour cette fois." Presque indulgent quand il marquait habituellement son désaccord, de ses accès de colère. Pour simplement fuir, celles qui auraient osé espérer un peu plus qu’une danse charnelle. Il s’apprête à rejoindre Edwin, refusant de s’adonner à des disputes face auxquelles il était démuni. Le cœur amorphe, les pensées névrosées, il était incapable de réveiller le palpitant ensommeillé. Peut-être qu’il était voué à une funeste solitude, celle à laquelle tout le monde le destinait.  

Il l’écoute, elle qui se dévoilait avec une facilité déconcertante. Les bras croisés, les lèvres qui se mouvaient, suivant chacun de ses mouvements, chacune de ses hésitations qu’elle dissimulait sous son abrupt courage. Elle défiait presque son éternelle autorité, celle à laquelle se pliait chacune des femmes qu’il côtoyait, par peur de le froisser, lui et ses humeurs rocambolesques. Il hoche légèrement la tête quelques fois, marquant son attention à ses paroles. « Vous êtes en train de vous attacher Lumilda. » Il comprenait à ses mots, à son mal-être qu’elle était en train de faiblir. Se laissant prendre à son propre jeu ; qui devenait réalité. « Vous m’attachez trop d’importance. J’en suis flatté, mais je ne sais pas si vous faites le bon choix. » Il s’approche d’elle, brave les quelques mètres qui les séparaient, pour affronter son regard fuyant. « Parce que je ne vous donnerais pas grand-chose en retour. Parce que vous savez aussi bien que moi, que ce que vous faites là, c’est pas une bonne idée. Je vous décevrais. Ce n’est qu’une question de temps. Et vous m’en voudrez, vous me tiendrez responsable alors que vous le saviez au fond. Que vous et moi, ce n’est pas une bonne idée. Et je vous avais prévenu, depuis le début. » La blesser était extrinsèque à sa volonté. Mais il savait qu’un jour, il le ferait. Et il n’était pas encore prêt à faire des concessions pour l’éviter. « Il serait préférable d’en arrêter là. Vous êtes encore jeune, vous trouverez quelqu’un qui vous correspond réellement. Parce qu’aujourd’hui, ce que vous demandez, je suis incapable de vous le donner. Et vous le savez.» Il se recule, l’impression de la briser un peu plus, comme une pointe d’amertume peu commune. « Désolé. » Un sourire qui se voulait compatissant, rassurant quand il était incapable de dévoiler le meilleur de son âme endolorie, perdue dans les abimes de l'obscurité, ternie par les profondeurs des ténèbres.

(c) mars.

les émotions n'étaient pas partagées. elle ne parvenait à l'atteindre, dans son royaume hors de portée. lorsqu'elle creusait pour déjouer ses remparts, il ne cessait de s'éloigner. de se raviser, trop sauvage pour se laisser apprivoiser. sentiments compliqués, pensées inavouées. elle demeurait hermétique à sa colère. mais bien plus sensible, lorsqu'il s'agissait de sa vérité. il ne la convoitait pas comme elle le convoitait. il ne voulait pas la laisser s'immiscer dans sa vie, lui dévoiler ses plus sombres côtés. il n'était pas prêt à l'accueillir dans ses bras, dans son intimité. fin d'une relation morte-née. comme un coup de massue qui la mettait à terre, le corps gisant dans l'agonie de son enfer. là où ses émois pouvaient brûler librement. territoire aride où ses espérances n'étaient plus permises. indéniablement, liam finissait par effeuiller le peu de dignité qu'elle souhaitait préserver. elle se sentait mal, mise à nue. dépourvue de son armure qui s'était effondrée sur le sol. de ses orbes bleutées qui tentaient de lui faire entendre raison, elle se sentait fléchir. aucun moyen de le fuir, d'éviter ces mots qui éveillaient en elle, une peine incommensurable.

" vous avez raison liam. "

elle ne pouvait plus tricher. jouer la carte de l'ignorance, lorsqu'il avait percé à jour sa dépendance. cette accoutumance à ses paroles, à sa présence. un lien qu'il ne voulait plus développer, sous peine de finir privé de ses libertés. entravé de cette solitude qu'il affectionnait tant. lumi, elle s'était rapprochée de lui. éprise de celui qu'il était. trop vite. trop fort. les palpitations dans sa poitrine s'accéléraient. elle frôlait le malaise, tandis qu'il continuait de l'accabler. de ces convictions qu'elle ne voulait pas entendre. de ces mots sincères, qui étaient trop violents pour son corps fébrile. elle ployait sous la détresse de ses émois futiles.

" du début jusqu'à la fin... vous dites vrai. "

lumi ne pouvait nier ce qui s'avérait être l'évidence. un attachement non consenti à un homme qui ne voulait s'éprendre d'aucune âme. elle déchantait. s'acclimatait peu à peu à sa réalité. les pupilles éteintes, tristes de devoir s'arrêter au milieu du chemin. cette sensation de déchirement qui survient, alors que le meilleur était à portée de main. ce sentiment de vide, alors qu'il comblait sans le dire, les failles de sa personne brisée. le regard se perd aux alentours, elle est chamboulée. à fleur de peau. noyée dans ses attentes infondées. envolée dans l'écume de son cœur bafoué.

" je me suis fourvoyée. je suis désolée. c'est terminé tout ça, je vous le promets. "

infinie profondeur de ce tunnel morose, dépourvu de chaleur. elle erre dans le noir, face à sa plus grande peur. le rejet. finir seule. et pourtant, elle devait se faire à l'idée qu'il ne serait plus là pour elle. qu'il n'était pas celui qui comblerait sa solitude. ses prunelles sombres et enivrantes se posent sur lui avec tendresse. délicatement, elles le caressent. une dernière fois, avant de s'échapper hors de sa gravité. infime soupir qu'elle ne peut réfréner, elle se dirige vers la porte, avant de marquer un arrêt. sa main sur la poignée, elle tremble presque de cette intensité. quand la noirceur devient dureté. s'enivre d'une jeune femme frêle, désespérée. à travers elle, tant de pureté. d’éclats d’amour, de vérité. elle est apeurée.

" je vous laisse à vos occupations. c'est la dernière fois que je vous importune... bonne soirée. "

surtout, ne te retourne pas. elle a encore la sensation de sa peau contre la sienne. de ses bras enserrant ses épaules. le goût de ses baisers sur le bout de ses lèvres. elle sent encore le vertige qui la berçait, à chacun de ses souffles qui se posaient sur sa peau. peut-on vraiment parler d'amour, quand les histoires se terminent avant même d'avoir commencé ? à la lueur de l'ampoule fatiguée, le temps reste figé. pas un bruit. pas un son. leur respiration en symbiose, pour palier le vide des âmes en perdition. elle ouvre la porte, et la musique s'infiltre à ses oreilles. le brouhaha, les rires et le chahut. elle se sent légère. flottant au dessus d'une foule mortuaire. plus rien ne l'arrête. elle fuit. s'éteint dans la nuit. silhouette à l'agonie qui pleure déjà le mal, d'une blessure incomprise. elle est vide. elle est lasse. elle n'est plus ici, mais déjà là-bas. plus rien ne va. un creux, un gouffre. suffocations qui l'étouffent. une impression de déjà-vu, des sensations de trop vécu.

(c) mars.