already gone - ft. saddie

au milieu de la drogue, de l'alcool qui coulait à flot, elle jubilait. blottie dans son fléau. l'appartement devenu lieu de débauche, le temps d'une soirée. le temps d'oublier, encore un jour, le deuil qui la rongeait. poussée par l'engouement de sa complice, pour attiser leurs plus beaux vices. ce soir, il n'y avait plus d'interdit. les cachets circulaient, les verres se renversaient. cela n'avait aucune importance. lumi, elle était en transe. trop défoncée pour réaliser qu'autour d'elle, c'était la déchéance. la bière à la main, la démarche douteuse, elle arpentait les couloirs de son repère. le sourire aux lèvres, découvrant un chaos jouissif, à chaque fois qu'elle entrouvrait la porte d'une des pièces. les pupilles dilatées, elle ne voyait que les bons côtés. aveuglée de l'obscurité. floutant son monde imparfait. oubliant les blessures, la souffrance, pour se laisser happer par ce qui la faisait vibrer. la cocaïne. un rail, deux rails, à en faire trembler ses entrailles. dans son corps, c'était indolore. il n'y résidait plus, le goût de la mort.

" y'a des hôtels pour ça les gaaaaaaaaars ! "

lumi, elle n'avait aucune honte à délier ses lèvres. à se laisser enivrer par les ténèbres. rictus malicieux, tandis qu'elle refermait la porte pour offrir à ses hôtes l'intimité. la poupée s'engouffrait encore une fois dans la spirale infernale. la ligne droite, sans équilibre, qui la fit perdre pied. elle s'échouait âprement sur le sol, heurtant de plein fouet le parquet, de sa silhouette frivole. riant de ses frasques, guidée par son comportement néfaste. par l'emprise de sa folie qui gagnait du terrain, aggravant le cas de son cerveau malade. le houblon se déversait sur le sol, mais elle ne bougeait pas. allongée sur le bois froid, les yeux rivés vers le plafond. un zombie, les méninges ravagées par l'incendie. plus rien n'avait de sens. rien n'avait d'importance. elle se nourrissait du silence. déconnectée. les fils débranchés de sa réalité. c'était tellement mieux d'être déchirée. c'était tellement mieux d'oublier. quand elle n'entendait plus les cris, en écho dans ses pensées. lorsqu'elle n'était plus noyée par le tsunami, qui la laissait souffrir avec sa maladie. son mal de vivre.

lumi, elle n'essayait même plus de chasser ses démons. il lui était plus simple d'apprendre à les apprivoiser. à nourrir leur avidité, à infliger à son corps une mort lente et préméditée. c'était plus simple d'être shootée, de pouvoir oublier à quel point il avait tout gâché. à quel point elle était abîmée, depuis qu'il l'avait abandonnée. elle rêvait de repartir à zéro, tout effacer, puis recommencer. qu'il n'entre plus jamais dans sa vie, pour ne plus la briser.

(c) mars.

Elle était pas vraiment là, Saddie. Perdue dans les nuages, l'âme criblée de balles, elle avait trouvé son échappatoire. Pilules noires dans le fond dans la gorge, elle s'envolait dans l'espoir, mirage éthérée pour fuir loin de son remord. Elle avait mal, et ça n'allait pas en s'arrangeant, parce qu'à chaque fois qu'elle revoyait son visage dans ses sombres cauchemars, elle pétait un câble. C'était les cris du coeur qui déchiraient la noirceur de ses nuits, c'était l'angoisse qui s'extirpaient de ses pupilles dilatées, rougies par les larmes, lames de rasoirs sur ses joues pâles. Saddie, quand elle avait le sourire c'était jamais bon signe. Elle avait trop bu, elle avait trop pris, la démarche volatile au milieu des âmes qui s'offraient des rires. S'écroulant dans le canapé, la cigarette piégée entre ses lèvres gercées, elle vit passer Lumi de sa mine ravagée par l'éthanol, toutes deux se ressemblant dans leurs pêchées. Sauf que Saddie, elle en avait un qu'elle se tuait à lui cacher.

- Hey, viens là toi !

Elle rit, défoncée, lui tendant une cigarette comme pour lui proposer de crécher sur son propre canapé. Fallait pas Saddie, qu'elle se plonge un peu trop dans son regard. Fallait pas qu'elle laisse les démons l'habiter pour l'accabler d'idées noires. Saddie, elle mentait, elle jouait, et pourtant dans le fond, elle était vraie avec Lumi.

- T'as eu une bonne idée pour cette soirée. Ca change, j'te félicite.

D'un air taquin, son sourire se fendit dans un coin, avant d'entendre les notes d'un piano percer le bruit des paroles, les ramenant toutes deux dans un souvenir qu'elles auraient voulu voir mort.

(c) mars.

effondrée de ses excès, de cette poudre étincelante qui l'enténébrait. elle ne pensait plus à rien. ne croyait plus en rien. lumi, elle baignait dans la mélancolie. opprimée dans une nostalgie, qui lui donnait sans cesse envie de repartir. de remonter le temps, juste pour un instant. sentir à nouveau ses bras autour d'elle. pouvoir inspirer, expirer. ne plus avoir mal, à chaque fois que ses pensées se perdaient avec lui. sur leur tragédie. sur la tristesse qui accablait son être, depuis déjà cinq longues années. pantin désarticulé, elle se relevait finalement, lorsqu'une main se tendait. lorsque son ami l'aidait à se redresser, pour la laisser déambuler à nouveau. elle, et sa carcasse en lambeaux. retour vers le salon, tandis qu'elle croise sa complice. saddie, sa moitié sombre. saddie, son supplice. le sourire aux lèvres, elle saisit de ses doigts frêles la cigarette. pourtant, elle n'avait pas besoin d'autre chose. son cerveau fumait déjà, ravagé par les maux.

" ne prends pas l'habitude que ce soit le bordel trop souvent. "

souffle-t-elle, lui adressant un sourire déformé. un sourire défoncé, qui tapissait à merveille, ses pensées refoulées. elle la rejoignait sur le canapé, s'affalant à ses côtés. à moitié assise sur elle, tandis que sa main quémandait un briquet. le bâton de cancer entre les lèvres, qu'elle s'apprêtait à allumer. avant d'être ramenée à sa réalité. à son identité. les sonates de piano résonnaient dans tout l'appartement. elle se fige. paralysée. lumi, encore traumatisée. jamais remise d'une blessure qui ne pouvait cicatriser. et voilà encore, qu'elle se remet à saigner. qu'ils déchirent les sutures de fortune, qui retenaient son être. un dégueuli de souffrance, une avalanche de violence. elle ne cligne même plus des yeux, perdue dans le vide abyssal d'un souvenir interdit. ses ongles se plantent dans la cuisse de saddie. hargneusement. douloureusement. prête à faire un carnage, elle se relève. il n'y avait plus de musique qui tienne. plus d'équilibre dans sa trajectoire. telle une comète, elle s'explose sur la porte de sa chambre. le coude endolori, mais pas autant meurtri que son myocarde. et elle reste là, devant les sévices inavouables. son placard ouvert, le clavier sorti. et eux, canines apparentes, assis sur son lit, à jouer des mélodies. ils ne savaient pas. ils ne savaient rien. des morsures qu'ils venaient d'infliger aveuglement. les poings se serrent. elle fulmine, incapable de bouger. bloquée sur le pas de la porte, alors qu'ils appuient fort sur ses blessures. que les notes de piano brûlent ses oreilles, de leurs mémoires sans pareil. de cette vision mortelle, qui lui donnait envie de disparaître.

" dehors. "

(c) mars.

Désarticulée à force d'avoir trop esperé, Saddie, poupée à la porcelaine rayée par les maux qui s'étaient creusés, le visage rongé par les sillons d'une maladie inavouée. Le mal-être s'était fait une place dans sa tête, comme une amie à qui elle disait tout, comme une présence qui aggravait son dégoût, amour malsain pour la passion triste qu'était son destin. Il y avait trop de discours autour d'elle, dans cet appartement grand et pourtant surpeuplé d'âmes décadentes, et Saddie, c'était comme ça qu'elle aimait remplir son vide, par l'overdose d'une présence qu'elle n'aurait accepté que les jours de pluie, les jours où la déprime découlait de sa folie. Elle sourit en coin à sa remarque, tendant la cigarette dans un regard rieur, brillant de milles feux comme pour cacher ses pleurs. La joie s'était rapidement dispersée aux premières notes d'un piano, comme si le diable s'était invité à la fête, comme si les démons avaient enchaîné leurs êtres. Symphonie cruelle pour des souvenirs rappelant leur détresse, le temps se figea pour les attirer dans leur trépas, et pourtant, ce n'était que quelques secondes qui s'étaient écoulés dans ce bruit macabre. Elle n'avait rien senti, Saddie, quand Lumi avait planté ses griffes dans sa cuisse, le cœur rongé par l'anesthésie de la kétamine. Par contre, elle avait entendu son cri, celui qui se lisait dans ses iris quand elle leur avait demandé de partir.

- Vous avez entendu ? Dégagez !

Elle intervint à son tour, tentant de canaliser la foule, pensant vainement que plus ils partiraient rapidement, moins Lumi s'arracherait le palpitant.

- Allez, dehors !

Elle ajouta avec hargne, tirant par le bras toutes les personnes qui se traînaient pour les attirer hors de l'appartement, la vision floutée par toutes ses émotions qu'elle avait du mal à maîtriser, jusqu'à ce que le silence ne revienne dans le lieu à la présence humaine désaffectée.

- Lumi... Je... Je suis désolée...

Elle murmurait, s'avançant lentement et doucement vers elle, son regard attiré vers ce piano qui restait au milieu de la pièce. Elle était sincère, Saddie. Elle était sincère quand elle s'excusait pour être la cause de son Enfer.

(c) mars.

au milieu de l'agitation, elle ne s'était jamais sentie aussi seule au monde. les corps gravitant autour de sa bulle de souffrance, l'effondrant sous le poids de ses trop nombreuses défaillances. les souvenirs disgracieux se répandaient en elle, telles les bribes d'une balle. obstruant son champ de vision, châtiant ses émotions. lumi, elle ne voyait plus rien. n'entendait plus rien. juste le son de sa respiration. l'odeur de sa malédiction. jamais sevrée de ce mal, qui roulait sur sa peau. de cette damnation, qui ne lui octroyait aucun repos. son fantôme perdurait à apparaître, lorsqu'elle était en chute libre. au bord du gouffre. si brillante, mais pourtant si vide. les prunelles assiégées par une évidence refoulée. figées sur ce clavier, qui l'avait autrefois, portée jusqu'à des sommets. des touches qu'elle avait frôlées jusqu'à cécité. des nuits sans sommeil, pour une prodige acharnée. piano. qui avait pourtant fini par devenir son fardeau. ce couteau affûté, cette lame du passé, qui se plantait violemment dans son corps léger. dans cet habitacle dépossédé. elle y était préparée, mais pourtant, jamais habituée. poupée toujours balayée par une faille, une faiblesse. lumi, elle n'était faite que de miettes raccommodées. bâillonnée par une corde invisible, qui l'aidait à se tenir debout. qui serrait fort, tellement fort son intérieur, pour la faire tenir le coup.

" pourquoi. "

murmure qu'elle se disait à elle-même. n'entendant qu'au loin la voix de saddie, dans un écho morbide. des excuses qu'elle ne pouvait accepter, puisque ce serait lui mentir. elle, qui en voulait à la terre entière. elle, qui ne rêvait que de franchir la frontière. la respiration se faisait plus forte, plus rapide, tandis qu'elle luttait pour ne pas éclater en sanglots. pas même un regard à son ombre, qui ferait tout pour la rattraper. prête à venir la ramasser, à la tirer de ses enfers, si seulement elle pouvait la toucher.

" pourquoi ma vie est toujours aussi pourrie. "

soupir de lassitude qui s'expiait de ses traits fatigués. saddie, elle n'était plus capable de la relever. pas ce soir. pas cette fois. la drogue accentuant sa dérive, appuyant sur sa douleur, pour la rendre encore plus maladive. lumi, elle se désagrégeait de tous les côtés. jusqu'à exploser. jusqu'à ce que les fils de sa raison s'emmêlent, et s'auto détruisent. les pulsions animales la renversaient de son piédestal. évinçant sa fine ligne de bonne conduite, tant elle avait mal. rouée de coups par un réveil brutal. les mains virulentes s'emparent de l'instrument résidant sur le lit, arrachant violemment les fils, pour qu'il devienne son missile. elle le serrait fermement entre ses paumes, avant de frapper telle une forcenée, dans le grand miroir qui les reflétait. elle, et son amie démunie. brisant en milliers d'éclats leur image, pour expier sa rage. et au fur et à mesure que l'objet s'atrophiait, que les notes s'arrachaient pour finir sur le sol, elle avait l'impression d'aller mieux. de revivre dans sa folie. s'acharnant à détériorer le parquet, jusqu'à l'éventrer. jusqu'à briser en deux ce clavier, qu'elle avait fut un temps, protégé comme la prunelle de ses yeux. bien avant de lui dire adieu. bien avant de le laisser partir, volatilisé dans un souffle, dans un dernier soupir.



(i'm back mon chaton )

(c) mars.

Les ténèbres sur la tempe, le coeur en cendres, Saddie, c'était ses jambes qui l'attiraient vers le néant. Elle aurait voulu retirer chacune des épines qu'elle lui avait, malgré elle, planté dans le creux de son être, ce couteau logé dans l'échine qu'elle ne pouvait retirer, tout ça parce qu'elle craignait lâchement de perdre son amie qu'elle ne désirait pas abandonné. Parce que oui, dans le précipice de sa folie, Saddie, elle s'était même pas rendue compte qu'elle s'était alliée à sa victime, à celle qui subissait maintenant les maux de ses inepties. Si elle avait su, Saddie, peut-être bien qu'elle aurait pris ses médocs ce jour-là, juste pour être stable au milieu de ce chaos détestable. Peut-être bien que ça lui aurait aussi évité de donner de mauvais conseils à ce type jonché de failles qu'il avait cherché à dissoudre dans le bruit des balles. Son visage trahissait sa tristesse alors que les âmes quittaient la pièce, l'appartement rongé par leur mal-être qui se répondaient. Et Saddie planté là, elle regardait Lumi se meurtrir en détruisant le piano, le miroir qui explosa sur le bois pour venir entailler cette soirée qui terminerait dans une rage écarlate. Elle s'agenouilla auprès d'elle, prenant ses mains dans les siennes pour l'arrêter dans la frénésie de ses gestes.

- Lumi... Respire.

La pièce retournée en zone de guerre, les éclats de verre crissant sous ses genoux, elle la regardait, fixant en elle tout ce qu'elle avait pu défaire avec son insouciance ternie dans les regrets.

- J'vais te donner quelque chose pour que t'ailles mieux, ok ?

Elle sortit doucement de la poche de son jean un petit sachet où de la poudre blanche était emprisonnée, et tout en prenant sa main à Lumi, elle déposa sur le dos de sa paume quelques pincées de Kétamine, l'invitant à la respirer, à la faire monter jusque dans le creux de son esprit déprimé.

- Vas-y.

Parce qu'elle avait besoin de rêver, Lumi, loin des cauchemars difformes de son passé. Et comme pour la rejoindre dans ses vices, Saddie, elle éclata quelques bribes de poudre sur le dos de sa main à son tour, inspirant le bonheur factice qui n'ouvrait en réalité qu'un peu plus son dégout acide.

(c) mars.

plus rien ne comptait, dans la noirceur de son esprit mortifié. plus rien n'importait, dans ce cauchemar, où elle vivait éveillée. lumi, à la fin de chaque journée, elle finissait toujours par céder. par réaliser qu'elle était seule, complètement fissurée. devant les autres, elle réprimait sa souffrance. dissimulait son absence. la vérité, c'est qu'elle pouvait le cacher. mais jamais l'effacer. impossible pour elle de le remplacer. de respirer comme avant, lorsqu'il était encore vivant. elle était jonchée de failles, de faiblesses. parsemée d'entailles, de tristesse. et même si saddie lui offrait son épaule écorchée, rien ne semblait la soulager. à l'intérieur, il ne restait que les décombres de son passage. les dégâts irréparables, le traumatisme de son carnage. les éclats de mort se plantaient dans sa chair, redonnant vie à son calvaire, lorsqu'elle entendait les mélodies de poussière. zane, il n'avait pas touché son corps, mais il l'avait foudroyée. infligeant à son cerveau des lésions irréversibles, des séquelles invisibles. jamais réparée, jamais soignée. les genoux à terre, ployant sous les fragments de sa misère, elle s'effondrait. ancrée dans le déclin de ses pensées, abandonnant les restes, de l'instrument sacrifié. le visage de la belle gravitait devant ses prunelles fatiguées, ses paumes encadrant les siennes, pour finir de la rassurer. la respiration toujours trop rapide, elle fermait les paupières, tentant de se raccrocher à sa voix raisonnée. celle qui était toujours là pour la guider, lui faire réaliser qu'elle ne vivait pas en enfer. que le monde ne s'était pas arrêté, et qu'elle parviendrait à aller mieux, si elle acceptait d'être aidée. les yeux gorgés de chagrin, elle la sondait. hochant doucement la tête, pour dérober son bout de rêve. lumi, elle était prête à prendre n'importe quoi pour oublier. à se laisser mourir à ses côtés, pour ne plus ressentir les miasmes, d'une trop longue éternité. le dos de sa main au bord de son souffle, elle inspirait de toutes ses forces la poudre blanche. les fines particules de songes explosaient, se libérant dans tout son être. pour attiser ses idées noires, ses envies de disparaître. quelques secondes de vide, avant de renaitre.

" je sais pas où je serai sans toi... probablement au fond d'un cercueil. "

avouait-elle, avant de caresser doucement sa paume, nouant ses doigts avec les siens. les opales éplorés se mêlaient à sa peine. deux cœurs dévastés qui ne savaient plus comment battre, mais qui tentaient de perdurer. pas besoin de mots, lorsque le silence était d'or. le sourire factice revenait, et de son autre main, elle attrapait ce morceau de verre, qui résidait sous ses pieds.

" et si j'te demandais de me trancher la gorge, là, tout d'suite... "

soufflait-elle, désinhibée par les effets du poison sur son organisme. les paroles devenaient confuses, son esprit s'embrouillait.

" tu l'ferais saddie ? tu l'ferais, pour que j'arrête de pleurer ? "

elle souffre. elle a mal. les bleus parsèment son corps. les regrets la dévorent. elle mérite d'être libre. libre comme le vent. libre de ses tourments. lumi, elle ne suit plus le rythme commun. elle se heurte aux murs, s'effrite. éclatée en mille parcelles, dans son paradis déchu, son monde artificiel.

(c) mars.

Saddie, c'était comme si elle avait brandit la faux de son désespoir au-dessus de ses songes, meurtrissant la douce lueur qui ne faisait plus danser son ombre, l'âme hagard, à la merci d'un quotidien macabre qui la rendait aveugle dans le noir. L'obscurité emplissait tout, colmatant les brèches d'un voile mélancolique qui collait à son dégoût. Les larmes avaient trop coulé sur ses joues, laissant des sillons invisibles que le gouffre de son monstre personnel s'empressait d'avaler pour la déposséder de sa vie. Le vide. C'était ce qu'il battait dans son être, sa chair putride dans l'amer qui acidifiait ses rêves, Saddie, elle était naufragée sur ce radeau qui prenait l'eau. Et elle sombrait dans ses maux, Lumi qui dans son regard, ne laissait qu'éclater la vérité, cette histoire qui avait fait d'elle une survivante et une âme errante, piégée dans un traumatisme qu'elle aurait pu éviter si Saddie avait su la ménager. Un échec de plus dans son destin déchu, un regret pointu comme une lame tranchante sur son coeur exigu. L'esprit cassé par la drogue qu'elle vint inspirer, Saddie, elle se sentait renaître pour quelques minutes qui lui redonnerait un semblant d'identité, brisée par son passé.

- Dis pas ça... T'es capable de tout faire, Lumi. T'es plus forte que tu ne le crois. Il faut que tu te laisses le droit d'aller mieux.

Elle aurait bien voulu l'aider, Saddie, ajouter qu'elle serait là à ses côtés pour la tirer vers le haut, vers cette surface oxygéné qui remplirait ses poumons de vitalité, mais elle n'en était pas capable. Parce qu'elle était le fléau de son horreur, le sceau de son malheur. Etrangement, dans ce chaos environnant, elle se sentait mieux là, ses doigts noués aux siens comme pour mieux s'accrocher à l'essentiel, à leur amitié destructurée par une vérité cachée. Le coeur loupa un battement lorsqu'elle la regarda s'emparer du verre, ses mots rasoirs qui ne savaient qu'amplifier son stress délétère.

- Jamais d'la vie. Je sais que c'est dur mais tu vaux tellement mieux que tout ce que tu pourrais t'infliger pour exister... Je pourrais pas te laisser mourir. Pas toi.

Les larmes sur le coin des yeux, Saddie, elle baissa doucement sa main dans le but de desserrer son emprise autour du verre brisé, avant de s'arrêter, le regard pointé sur les contours tranchants de l'objet. Reprenant ses esprits la seconde d'après, elle ramena sa main contre sa propre gorge, l'envie de mort circulant dans ses veines.

- C'est moi qui mériterait de crever. Pour ce que je t'ai fait. A toi, et aux autres. Parce que tu sais pas tout... Tu sais pas à quel point tu te serais mieux portée si j'avais jamais été là.

Son regard s'était assombrit, son visage avait pâlit, Saddie, par ses yeux qui traduisait sa peine hémorragique, elle voulait lui faire comprendre qu'elle n'était pas l'ange protecteur qui ne pouvait pas faillir, mais bien le démon, qui l'avait poussé dans son auto-destruction.

(c) mars.